Réforme des retraites : « Travailler plus longtemps n’est pas la solution » 

Réforme des retraites
Carole Moreira, présidente de la Mutuelle SMH. ©Franck Crusiaux

Rencontrée le 30 janvier, à la veille de la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, Carole Moreira, présidente de la SMH, revient sur les impacts désastreux du projet sur le système de santé. 

Pourquoi la mutuelle appelle-t-elle à prendre part aux actions menées contre ce projet de réforme ? 

Carole Moreira : Le projet de réforme des retraites du gouvernement est injuste et se doublerait d’un problème de santé publique s’il était appliqué. Au sein de la SMH, nous sommes sensibles au schéma de vie des salariés. C’est-à-dire à la façon dont ils débutent leur carrière et comment ils la terminent, sans être trop démolis moralement et physiquement par leur métier.

Or, nous constatons qu’à l’hôpital, par exemple, les agents partent souvent avant l’âge de la retraite. Beaucoup exercent des tâches pénibles, non seulement la journée mais aussi la nuit, les week-ends et les jours fériés. Ils portent des charges lourdes, sont exposés aux produits nocifs et aux troubles musculo-squelettiques. 

Ce sont tous ces agents, applaudis pendant le Covid, qu’on oublie dans ce nouveau projet de réforme. Rappelons en outre qu’en faisant passer les infirmiers de la catégorie B à A, ce sont cinq années de pénibilité au travail qui ont été retirées. Et que dire des auxiliaires de vie à domicile ou dans les Ehpad… On observe une usure professionnelle prématurée dans tous ces métiers, bien avant l’âge de 60 ans. Ainsi qu’une recrudescence de l’invalidité.

Le maintien forcé en activité des salariés les plus âgés augmenterait le taux et la fréquence des arrêts maladie, ainsi que leur durée moyenne. Une fois à la retraite, ces travailleurs plus usés seront également davantage malades. 

Ce projet pénaliserait encore plus les femmes que les hommes ? 

C. M. : En moyenne, les femmes ont des revenus inférieurs de 15 % à ceux des hommes lorsqu’elles sont à la retraite. Cela en raison de carrières hachées, à temps partiel ou incomplètes. L’étude d’impact du projet de loi démontre que l’âge effectif de départ sera retardé d’une durée presque deux fois plus élevée pour les femmes que pour les hommes. La loi pénalisera ces femmes d’avoir porté un enfant, pris du temps pour l’élever. 

 C’est cynique et très grave. Parce que, ce faisant, on impacte aussi la démographie, le renouvellement des actifs. Et donc le principe de retraite par répartition. Dans la fonction publique hospitalière, les femmes exercent souvent des métiers non qualifiés, payés en dessous du smic. Nous pensons également aux aidants qui s’arrêtent pour aider un proche. 

Selon vous, ce projet aggrave les inégalités malgré les promesses d’une retraite minimum de 1 200 euros ? 

C. M. : Cette réforme des retraites va conduire à des entrées plus tardives en retraite, en moins bonne santé et avec des pensions moindres. Elle allongera en outre les périodes d’inactivité pour les populations les plus fragiles et rendra leur situation encore plus précaire. Faire travailler les personnes plus longtemps n’est pas la solution. Le gouvernement choisit le levier le plus simple. Alors que le Conseil d’orientation des retraites et la Cour des comptes ont affirmé qu’il n’y avait pas péril en la demeure. 

Le gouvernement a fait le choix du coût de la retraite, au lieu de réfléchir aux ressources. Et de repenser l’assiette totale des cotisations sociales pour faire rentrer plus de recettes.

Il préfère multiplier les cadeaux aux entreprises. La promesse des 1 200 euros est un leurre : il s’agit en réalité du montant brut. Seules les personnes qui auront réalisé leurs quarante-trois ans de cotisations en bénéficieront. Actrice du mouvement social, la SMH reste mobilisée contre cette réforme. Une réforme injuste et inutile que le gouvernement tente de faire passer en force. 

 PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-HÉLÈNE OLLA