Prison : il y a 30 ans, la réforme de la santé pour les détenus

Les soignants dénoncent régulièrement la dégradation de leurs conditions de travail en prison, notamment en raison de la surpopulation carcérale. Photo : Michel Le Moine

Depuis 1994, les soins des prisonniers relèvent du ministère de la Santé et non plus de la Justice. Objectif : leur donner les mêmes droits et protection que la population générale. Mais derrière les murs, cette ambition égalitaire est loin d’être une réalité. 

A la fin des années 1980, le sida fait des ravages dans les prisons. On compte rapidement jusqu’à dix fois plus de personnes infectées derrière les barreaux qu’en dehors. En 1991, la direction de l’administration pénitentiaire, débordée, reconnaît ne plus être en mesure de traiter « ces problèmes de santé publique ».

A l’époque, c’est à elle seule que revient la tâche de soigner les détenus. Pour cela, elle recrute des infirmiers ou des médecins vacataires. Chaque établissement bricole tant bien que mal un dispositif sanitaire.

Situation d’extrême urgence

La propagation du VIH en prison inquiète la population. Alors que l’état de santé des détenus est absent du débat public, le sujet fait soudain l’objet d’un coup de projecteur médiatique. « Nous sommes en présence d’un véritable état d’urgence sanitaire », alerte alors le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy.

Outre le VIH, les hépatites B et C, il y a « trois fois plus de tuberculoses dépistées en milieu carcéral ». Les pathologies « cardiovasculaires, pulmonaires, les suicides, les grèves de la faim et les automutilations sont très répandus », pointe un rapport officiel.

En 1994, une loi ordonne le transfert de la prise en charge sanitaire des détenus. Désormais, cette responsabilité n’incombe plus au ministère de la Justice, mais à celui de la Santé. Le même droit à la santé et à la protection sociale est ainsi proclamé pour la population écrouée comme libre.

Cri d’alarme des soignants

Mais qu’en est-il de la réalité derrière les barreaux aujourd’hui ? Malheureusement, l’état de santé des prisonniers fait l’objet de peu d’études. L’an passé, plusieurs centaines de soignants ont poussé un cri d’alarme pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail, notamment en raison de la surpopulation carcérale.

A la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, il n’y a même plus de médecin pour s’occuper des mille détenus. Si l’ambition d’un dispositif efficace existe toujours, elle est entravée à la fois par les difficultés rencontrées par l’ensemble des patients (déserts médicaux, crise hospitalière…) et par les obstacles propres à la réalité carcérale (vétusté des locaux, transfert de prisonniers, ou encore escorte policière…).

Pourtant, tous les spécialistes s’accordent à dire que la détérioration des soins en milieu fermé est préjudiciable à l’ensemble du système de santé.