Porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) et délégué national de la CGT santé, Christophe Prudhomme a participé au relais médiatique d’une tribune qui a provoqué beaucoup de réactions. Mardi 20 septembre 2022, l’ancienne journaliste de guerre et résistante Madeleine Riffaud signait un texte édifiant sur les conditions de sa récente hospitalisation aux urgences. Un récit glaçant sur lequel le médecin urgentiste a accepté de revenir. Pour Christophe Prudhomme, libérer la parole des patients permettra d’opérer un véritable changement.
Pourquoi était-il important pour vous que la tribune de Madeleine Riffaud puisse être médiatisée ?
Christophe Prudhomme : Plus il y aura de personnes, et y compris de personnalités comme Madeleine Riffaud, qui porteront les dysfonctionnements de l’hôpital sur la place publique, moins les pouvoirs publics pourront rester dans le déni. La situation est en effet totalement catastrophique. Mais les directions d’établissements, les agences régionales de santé et le gouvernement ne le reconnaissent pas. Le ministre de la Santé François Braun nous a même expliqué que les services d’urgences « avaient tenu » pendant l’été. Non, ce n’est pas vrai. L’hôpital ne tient plus. Il y a des morts toutes les semaines aux urgences. Et les soignants continuent de démissionner car ils ne supportent plus cette situation.
Que faut-il faire selon-vous pour que la situation change ?
Christophe Prudhomme : Il faut que la vérité éclate. De la même manière que pour MeToo. Pour enlever la chape de plomb qui pèse encore sur ces questions. Les patients sont aujourd’hui en droit de se rebeller et de faire entendre leur voix pour que la situation change.
Dans sa tribune, Madeleine Riffaud souligne le fait que sa notoriété et ses relations lui ont permis de faire entendre sa voix. « Moi, j’ai de la chance, j’ai des amis, et des confrères journalistes. Mais tous ces pauvres gens qui n’ont personne, que peuvent-ils faire ? » De quels recours disposent les patients ?
Christophe Prudhomme : Tout le monde peut faire entendre sa voix. Lorsqu’une personne considère avoir subi un traitement inadapté ou une perte de chance pour sa santé, elle a la possibilité d’envoyer une réclamation à l’hôpital. Ou de porter plainte auprès des tribunaux si la situation relève du pénal. Dans le premier cas, il suffit d’écrire une lettre de protestation manuscrite à la direction de l’hôpital. Le directeur de l’établissement est alors obligé de la traiter dans une commission ad hoc. Puis la commission des droits des usagers fait ensuite un bilan annuel de toutes les plaintes reçues. Ces chiffres permettent notamment aux associations de représentants de patients et de personnels de faire entendre leur voix.
Vous incitez également les professionnels de santé à dénoncer le manque de personnel.
Christophe Prudhomme : Nous leur recommandons effectivement de remplir une « fiche de dysfonctionnement » lorsqu’ils travaillent en sous-effectif. C’est en effet inscrit dans le code de déontologie. Et si un problème survient à ce moment-là , ils seront considérés comme co-responsables.
Après avoir été très médiatisé pendant l’été, le sujet de la crise hospitalière a depuis été enseveli sous de nouvelles actualités… Comment faire, selon-vous, pour que cette question puisse trouver sa place dans le débat public ?
Christophe Prudhomme : Le travail de terrain reste primordial. Les échanges avec les associations ou les débats, notamment ceux organisés par la mutualité. Il faut continuer à occuper l’espace. Le sujet va également être abordé à l’Assemblée nationale, à l’occasion du projet de loi de finance de la Sécurité sociale. La santé est au cœur des préoccupations de la population. Et les pouvoirs publics doivent aujourd’hui entendre sa colère.
« Je me suis retrouvée couchée au milieu de malades qui hurlaient de douleur, de rage, d’abandon » : le cri d’alarme de la journaliste Madeleine Riffaud sur les urgences
Tous les grands médias français ont relayé son témoignage. Mardi 20 septembre 2022, l’ancienne journaliste de guerre et résistante Madeleine Riffaut a publié une tribune sur les conditions désastreuses de son hospitalisation aux urgences. A 98 ans, et alors qu’elle se trouvait à l’hôpital Lariboisière à Paris, elle a affirmé être restée « 24 heures sur le même brancard, sans rien manger. Dans un no man’s land ». « Je me suis retrouvée couchée au milieu de malades qui hurlaient de douleur, de rage, d’abandon », décrit-elle dans son texte paru en intégralité dans l’Humanité, la Croix et la revue Commune. Madeleine Riffaut y évoque également le désarroi des personnels de santé, totalement débordés par la situation. « Nul doute que leur vocation est réduite en charpie. Ma mésaventure, c’est une histoire quotidienne dans l’hôpital en France. Mon sort est celui de millions de Parisiens et de Français. » De son côté, l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) a diffusé un communiqué de presse suite à la parution de cette tribune pour indiquer que « des gestes techniques, de soins et de surveillance ont été dispensés à la patiente de façon régulière tout au long de sa prise en charge. »