PLFSS 2026 : « Ce projet de budget impacte plus fortement les populations les plus fragiles », Nicolas Souveton, secrétaire général de la FMF

Nicolas Souveton, secrétaire général de la Fédération des mutuelles de France fait le point sur le PLFSS 2026. © DR
Nicolas Souveton, secrétaire général de la Fédération des mutuelles de France fait le point sur le PLFSS 2026. © DR

Taxe exceptionnelle de 1 milliard d’euros sur les complémentaires santé, nouveaux transferts de charges, doublement des franchises médicales… Le PLFSS 2026 présenté la semaine dernière, qui vise 7,1 milliards d’économies dans le secteur de la santé, confirme la logique d’austérité mise en œuvre par les gouvernements successifs. Le point avec Nicolas Souveton, secrétaire général de la Fédération des Mutuelles de France (FMF).

Quel regard portez-vous sur ce PLFSS ?

Nicolas Souveton : C’est un projet de loi qui s’inscrit dans la droite ligne de ce qui avait été préparé par François Bayrou quand il était Premier ministre et des annonces qu’il avait faites au mois de juillet. Ce PLFSS traduit une volonté de rétablir les comptes publics par une seule baisse des dépenses sans aucune réflexion sur la question des recettes. C’est le cas pour le budget de l’Etat et c’est aussi, malheureusement, le cas pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Le texte valide la taxe exceptionnelle de 1 milliard d’euros sur les complémentaires santé. Il est aussi question d’un nouveau transfert de charges de 400 millions d’euros…

N. S. : Ce n’est pas vraiment une surprise. Dès l’exercice 2024, l’Assurance maladie et le gouvernement avaient affirmé que de nouveaux transferts de charges vers les complémentaires santé étaient nécessaires chaque année pour que l’on puisse avoir une trajectoire d’équilibre économique. Donc là, ça se matérialise. Ce qu’il faut noter, c’est que le gouvernement a déjà annoncé qu’il voulait opérer ces transferts sur les soins hospitaliers, notamment. Et c’est extrêmement problématique parce que ces soins concernent principalement les personnes âgées. Au-delà de la question posée par le transfert des charges vers les complémentaires santé, qui alourdit les cotisations des adhérents mutualistes, ces mesures vont toucher plus particulièrement des populations fragilisées, les plus âgées et les plus malades.

La taxe de 1 milliard d’euros, quant à elle, avait effectivement été annoncée par la ministre Catherine Vautrin dès le mois de janvier. Elle était donc attendue. Mais rien n’a changé depuis le début de l’année : cette taxe exceptionnelle n’est pas unique, elle s’ajoute à celle de 14 % qui est déjà prélevée sur les adhérents mutualistes. Elle est assise sur la cotisation et sera donc forcément, elle aussi, payée par les adhérents. Il s’agit en outre d’une taxe injuste et anti-redistributive. Elle va impacter plus fortement les personnes qui ne bénéficient pas de l’aide de leur employeur pour le règlement de leur cotisation. C’est-à-dire principalement les personnes retraitées qui, en plus, ont des cotisations plus élevées du fait de leur avancée en âge.

Y a-t-il d’autres mesures qui vous ont interpellé ?

N. S. : Oui, je pense d’abord à la progression de l’Ondam fixée à 1,6 %. Si on l’applique, cela veut dire que l’on demande un taux d’effort insoutenable au système de santé. Je rappelle que les dépenses de santé augmentent en moyenne de 4 %, à peu près, chaque année. Quand on annonce que la progression de l’Ondam doit être contenue à 1,6 %, cela veut dire que l’on divise par deux la progression naturelle des dépenses de santé. On voit bien que ce n’est pas possible. Et puis, il y a un problème de sincérité qui est posé : cela fait trois ans que l’on constate une progression annuelle de l’Ondam supérieure à ce qui est voté dans les textes budgétaires. Pour pouvoir afficher des économies et une trajectoire de retour à l’équilibre, le gouvernement tort donc les chiffres en entrée et, à la fin de l’année, parce que les objectifs ne sont pas atteints, explique qu’il faut encore accentuer l’effort l’année suivante.

« Le doublement des franchises va sûrement provoquer une augmentation du renoncement aux soins »

L’autre élément frappant, c’est la question du doublement des franchises médicales et de leurs plafonds. On savait que ce sujet-là était sur la table, mais aujourd’hui, le gouvernement souhaite instaurer de nouvelles franchises dont on n’avait jamais parlé, en particulier sur les soins dentaires. Et ceci alors que les pouvoirs publics répètent qu’il faut améliorer l’accès à ces soins ! On sait bien que les franchises, ces sommes qui restent à la charge des patients, constituent des barrières financières pour accéder aux soins. On constate donc ici une forme assez étonnante d’incohérence de la politique publique. Enfin, n’oublions pas que le doublement des franchises va, sous couvert de responsabilisation de la population, sûrement provoquer une augmentation du renoncement aux soins, notamment chez les personnes déjà éloignées du système de santé.  

Le gouvernement prévoit aussi de recentrer le dispositif des ALD sur les patients dont les pathologies nécessitent des soins importants…

N. S. : En ce qui concerne les ALD, pour l’instant, le texte du PLFSS semble vouloir appliquer une règle déjà mise en place mais qui n’est jamais appliquée. Elle concerne les patients guéris d’une pathologie chronique et prévoit un dispositif de sortie d’ALD. Donc il s’agit juste d’appliquer une règle d’ordre public. En revanche, il faut rester extrêmement vigilant parce que la façon dont le gouvernement présente les choses laisse entendre que cela pourrait aller bien au-delà de ça. Cet été, l’exécutif a par exemple expliqué qu’un patient diabétique pourrait sortir du statut de l’ALD une fois son diabète stabilisé. Or, un patient diabétique reste diabétique.

« Priver les personnes en ALD de la capacité à recourir plus facilement au système de santé va aggraver la situation des maladies chroniques »

C’est la même chose pour les personnes qui vivent avec le VIH. C’est n’est pas parce qu’elles sont sous traitement et que leur charge virale est indétectable qu’elles ne sont plus porteuses du VIH et qu’elles ne sont plus en infection chronique. Il ne faut pas remettre en cause le droit des personnes qui ont des pathologies chroniques à être suivies correctement. C’est une ligne rouge qui ne doit absolument pas être franchie pour des raisons de défense des droits des malades et d’accès aux soins. Si on prive les personnes en ALD de la capacité à recourir plus facilement au système de santé et de prise en charge, cela veut dire que l’on va aggraver la situation des maladies chroniques dans notre pays. Et cela va encore accentuer la désorganisation du système de santé de manière globale.

Que peut-on espérer du débat parlementaire ? Même si le Premier ministre s’est engagé à ne pas avoir recours au 49.3 pour faire passer ce PLFSS, il y a d’autres outils comme les ordonnances, les lois spéciales…

N. S. : Alors déjà, ça va être intéressant que l’on puisse de nouveau avoir un débat parlementaire. Cela fait quelques années que nous n’avons pas eu de vote du Parlement sur les textes budgétaires alors qu’adopter les budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale constitue, tout de même, la première souveraineté des parlementaires. J’espère que ce débat sera à la hauteur des enjeux et que l’on aura des parlementaires vraiment investis, qui se poseront la question de l’impact de chacune des mesures du PLFSS sur l’accès aux soins et à la protection sociale de leurs concitoyens.

J’espère aussi que cela se fera dans un esprit de préservation des principes de solidarité, de juste contribution de chacun. Mais en effet, ce n’est pas parce qu’il n’y aura pas de 49.3 que l’on est à l’abri de voir s’appliquer d’autres outils du rationalisme parlementaire. Vous avez évoqué les ordonnances, il y a aussi le vote bloqué, la limitation des temps de débat… En tout cas,en tant que Fédération des mutuelles de France, nous avons bien l’intention de sensibiliser les parlementaires sur ce qu’ils pourraient porter, sur les mesures que l’on souhaiterait voir adoptées dans le cadre de ce PLFSS pour faire en sorte que le texte ne soit pas aussi violent qu’il l’est actuellement vis-à-vis de la population.

Justement, concrètement, quelles actions envisagez-vous de mettre en œuvre au sein de la FMF pour défendre l’accès à la santé des adhérents mutualistes ?

La Fédération des Mutuelles de France va continuer le combat qu’elle mène, depuis plusieurs années déjà, contre la taxe sur les adhérents mutualistes et les transferts de charges de l’Assurance maladie vers les complémentaires santé. Nous allons poursuivre notre travail de lobbying auprès des parlementaires, que ce soit du bloc central, de la droite républicaine ou de la gauche, pour les sensibiliser à cette problématique dans le cadre de la préparation des textes budgétaires.

L’idée est aussi, parallèlement, d’apporter des éléments de décryptage à nos militants et des outils de mobilisation pour qu’ils puissent, eux aussi, exprimer, auprès de leurs parlementaires, leur mécontentement et leur inquiétude face aux conséquences de cette politique d’austérité et sur les cotisations mutualistes et sur l’accès aux soins. Enfin, nous allons mener une nouvelle campagne offensive d’information en fin d’année, à l’image de celles menées les années précédentes (« Pas de taxe sur ma santé » et « La santé n’est pas un luxe », NLDR) pour informer le grand public sur les dangers qui pèsent sur notre système de protection sociale.