Livreurs de repas à domicile : quand la santé déraille

Deux tiers des livreurs seraient sujet à troubles musculo squelettiques (TMS), principalement au niveau des bras, genoux et du cou. © 123RF

Ils arrivent à vélo ou à scooter et apportent nos commandes à domicile. Aujourd’hui les livreurs de repas font l’objet d’une étude de l’Anses et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne vont pas très bien. Explications avec Thomas Bayeux, chargé d’analyse socio-économique à l’Anses.

Quels sont les risques auxquels les livreurs de repas sont le plus souvent confrontés ?

Thomas Bayeux : Le plus évident est le risque routier. Ils sont fréquemment victimes d’accidents de la route, parfois mortels, de chutes, générant des traumatismes divers. Les chiffres et les estimations dont on dispose sont éloquents : environ un livreur sur deux en Région parisienne déclare avoir eu un accident en lien avec son activité. Cette situation s’explique par le fait que les livreurs sont soumis à de nombreuses contraintes : ils doivent faire au plus vite, au mieux, dans un environnement urbain propice aux accidents. Ces travailleurs ont le plus souvent un statut d’indépendant et cherchent à faire le plus de commandes chaque jour.

© Thomas Bayeux

En outre, ils font face à des conditions météo parfois hostiles, pluie, vent, mais aussi fortes chaleurs… ce sont des conditions contraignantes pour leur santé et susceptibles de favoriser des accidents. Autre risque sanitaire : les troubles musculo squelettiques (TMS). Environ deux tiers des livreurs en seraient sujet, principalement au niveau des bras, des genoux et du cou. Tout ceci est lié à leur pratique intensive du vélo, associée à des ports de charge.

Parmi les autres effets identifiés, il ressort également des troubles du sommeil, des maladies métaboliques, respiratoires ou cardio-vasculaires. Enfin, on a observé des impacts concernant la sphère socio-familiale, car ils sont souvent obligés de travailler 7 jours sur 7 pour s’assurer un revenu minimum.

On voit les répercussions directes du management algorithmique sur la santé mentale de ces livreurs. Cela se traduit par du stress, une pression permanente.

Dans votre enquête, vous évoquez le management algorithmique ?

T. B. : C’est un facteur de risque très important. Le livreur est rivé sur son téléphone qui lui indique via un algorithme, quelles sont les livraisons à effectuer. Cet algorithme qui émane des plateformes va être un élément d’organisation du travail. Le livreur sera ainsi suivi pendant toute la livraison et évalué. Des notes trop basses peuvent engendrer une sanction du livreur. Le management algorithmique vise à optimiser le rendement économique de la plateforme numérique, sans aucune interaction humaine directe. Cela conduit les plateformes à ne pas prendre en compte la réalité du terrain, les aléas liés à la circulation, la difficulté de stationner… la réalité du travail, en somme.

Quelles sont les conséquences d’un tel management ?

T. B. : On en voit les répercussions directes sur la santé mentale de ces livreurs. Cela se traduit par du stress, une pression permanente. Le livreur va tenter de « plaire » à l’algorithme et va prendre de nombreux risques, afin d’aller toujours plus vite dans l’espoir d’augmenter ses gains. Leur statut d’indépendant précaire fait partie intégrante de l’équation, éloignant ces travailleurs de dispositifs de prévention de leur santé.

Quelles sont les recommandations de l’Anses ?

T. B. : Nous souhaitons que les plateformes soient responsabilisées concernant les questions de santé et de sécurité de ces travailleurs, par exemple avec la question des équipements, le port de casque, gants… Plus globalement, il s’agit de rendre obligatoire l’application des dispositions du Code du travail pour protéger la santé des livreurs. Nous sommes dans un contexte propice, avec la transposition en droit français de la Directive européenne votée fin 2024. Elle préconise notamment de mieux prendre en compte les aspects santé et de sécurité de ces travailleurs.

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