Trois jours de concerts, de débats et d’échanges citoyens vont rassembler près de 500 000 festivaliers, du 13 au 15 septembre, à Brétigny-sur-Orge (Essonne). Fabien Gay, le directeur du journal L’Humanité organisateur de l’événement, revient sur le succès de cette fête unique, qui revêt cette année une teneur politique particulière avec la victoire du Nouveau Front populaire aux législatives.
De quelle manière la Fête de l’Huma s’inscrit-elle dans l’actualité politique ?
Fabien Gay : La Fête de l’Huma a toujours été le grand rendez-vous politique de la rentrée. Après la séquence électorale particulière que nous venons de vivre, elle a encore davantage de sens puisque nous voulons donner toute sa place au Nouveau Front populaire et être le lieu de rassemblement de la gauche et de la société civile.
Les attentes sont fortes et les questions nombreuses, sur la vie quotidienne, les besoins essentiels de la population, les salaires et l’emploi, sans oublier les questions industrielles, énergétiques, de politique internationale, de lutte contre les idées d’extrême droite…
Comment va s’incarner cet engagement ?
F. G. : Il y aura des rencontres avec des représentants politiques et des forces sociales, ainsi que des mouvements citoyens. A l’heure où le débat d’idées et les échanges se sont extrêmement appauvris, où les chaînes d’information en continu ont grandement contribué à la prévalence du buzz et de la petite phrase choc sur le véritable commentaire politique, nous avons plus que jamais besoin de ce temps de parole et d’écoute.
Il peut y avoir, bien sûr, des désaccords, des discussions contradictoires, de saines confrontations… La fête est ouverte à toutes les idées, sauf à celles de l’extrême droite. Historiquement, elle a souvent été le lieu de décisions politiques importantes et d’impulsion aux mobilisations sociales. L’année dernière, elle a permis les premières rencontres intersyndicales contre la réforme des retraites.
La fête a-t-elle l’ambition de remobiliser la conscience politique des visiteurs ?
F. G. : Je lutte contre l’idée qu’il y aurait une crise de l’engagement. On ressent encore de grandes appétences à faire de la politique, au sens noble du terme. Une envie de changer la société, y compris de la part de la jeunesse qui se mobilise pour le climat, contre les discriminations, parfaitement consciente des grands enjeux de la société…
Mais cette envie ne se traduit pas forcément en votes. Certains repartent de la fête en ayant adhéré à une force politique, syndicale ou associative, mais notre rôle est plutôt de susciter des rencontres. C’est ensuite aux organisations d’aller au contact des citoyens.
Les festivaliers sont-ils majoritairement politisés ?
F. G. : Ils sont surtout très diversifiés. Il y a bien sûr des militants du Parti communiste, mais aussi des forces politiques de gauche dans leur ensemble, du monde syndical, associatif… Les gens peuvent venir en famille ou entre amis et, politisés ou non, échanger, débattre, ou juste passer un bon moment ensemble. Près d’un demi-million de personnes viennent en moyenne pendant les trois jours.
Comment expliquer un tel succès ?
F. G. : C’est un événement unique. Il s’étend sur 50 hectares, avec plus de 10 000 places de camping. C’est une sorte de ville éphémère, avec ses noms de rues. A la fois un festival de musique, un lieu de débats, de gastronomie, avec cette année un espace de repos où sera installé le stand des Mutuelles de France, mais aussi un lieu d’éducation populaire.
Il est possible de voir 1 000 festivaliers se passionner pour la conférence d’un chercheur en physique quantique et prendre des notes tout au long de sa présentation. Cette année, nous allons célébrer la 89e Fête de l’Humanité. Elle est totalement entrée dans notre patrimoine commun.
Dans quel contexte a été lancée la première édition ?
F. G. : La première édition a vu le jour en septembre 1930, sous l’impulsion de Marcel Cachin, directeur de L’Humanité, pour soutenir le journal qui rencontrait des difficultés économiques. Ce fut une fête champêtre, une ambiance de bal musette. Puis, d’année en année, l’événement s’est considérablement transformé tout en conservant ses valeurs de paix et de justice sociale.
Avant de s’installer en Essonne, il s’est longtemps tenu dans le parc départemental de La Courneuve, où des centaines de milliers de personnes venaient écouter les grandes stars internationales, Ray Charles, The Who… Nous étions alors pratiquement les seuls à organiser des concerts de cette envergure en extérieur. A l’époque, il n’y avait que Woodstock et la Fête de l’Huma !
La Fête de l’Huma, du 13 au 15 septembre à la Base 217 (91), Le Plessis-Pâté, 91220 Brétigny-sur-Orge.
PARCOURS
2011
Originaire de Bordeaux, Fabien Gay s’installe en Seine-Saint-Denis. A l’âge de 27 ans, il devient permanent politique du Mouvement jeunes communistes de France (MJCF).
2014
Il entre au journal L’Humanité en tant que collaborateur, avant d’en devenir le directeur en 2021.
2015
Nommé directeur de la Fête de l’Humanité, il occupera ce poste pendant deux ans.
2017
Elu sénateur de Seine-Saint-Denis.