Les comités de défense des hôpitaux publics fleurissent dans notre pays depuis plusieurs années. D’initiative politique, syndicale ou associative, voire simplement citoyenne, ils connaissent aujourd’hui, pandémie oblige, un regain de vitalité et d’attention particulier. Dans cette approche, l’exemple du comité de défense des hôpitaux publics de Dole est symbolique. Jacques Seguin, membre de la direction fédérale des Mutuelles de France, en est un des acteurs.
Pouvez-vous nous décrire la situation des hôpitaux publics de Dole ?
Jacques Seguin : La situation est tendue dans l’ensemble des structures hospitalières du Jura, mais l’hôpital public Louis-Pasteur de Dole est particulièrement touché. Il rayonne sur une population de 100 000 habitants et a payé au prix fort les politiques d’austérité budgétaire menées par les gouvernements successifs. La suppression du service de réanimation, de la 2e ligne de Smur la nuit, la fermeture de plus de 70 lits d’hospitalisation et la disparition d’une centaine de postes de personnels ont affaibli le service public hospitalier sur notre territoire. La pandémie n’a rien arrangé.
Aujourd’hui, c’est le service de chirurgie conventionnelle qui est très clairement menacé de disparition. Nous redoutons que l’hôpital de Dole ne se transforme en hôpital de 3e niveau au sens de ce que prévoit le plan santé 2022, c’est à dire un établissement de proximité uniquement réservé aux soins du quotidien (médecine générale, gériatrie, réadaptation). Face à cette situation, nous exigeons l’arrêt des fermetures de lits et de services, et le rétablissement de plusieurs services fermés comme la ligne Smur ou le service de soins intensifs de cardiologie. Nous demandons aussi l’embauche de personnels dans les services en tension, et, comme la cour régionale des comptes, l’affectation des financements nécessaires au fonctionnement de l’hôpital. J’ajoute que nous sommes soutenus dans cette démarche par plus de 80 collectivités locales qui ont adopté des délibérations reprenant l’essentiel de nos revendications.
En quoi votre participation à ce comité de défense local trouve-t-elle un écho dans vos engagements mutualistes ?
Jacques Seguin : C’est un prolongement naturel, logique. Il s’appuie sur l’action, l’expérience et les réflexions développées au sein de la Fédération des Mutuelles de France qui a, de tout temps, placé l’hôpital public au cœur des politiques de santé, défendu à la fois les principes de proximité des établissements de soins et la qualité de la prise en charge des patients. C’est également un engagement dans la durée, cohérent, qui se concrétise par le refus de la marchandisation de la santé et par un fort attachement au rôle de l’hôpital public dans l’accès aux soins sur un territoire.
Qu’est-ce qui distingue ce comité local des autres comités de défense d’hôpitaux dans le pays ?
Jacques Seguin : Je pense qu’un peu partout en France, la volonté est la même. Elle consiste à tout faire pour enrayer la spirale du déclin des structures hospitalières publiques de proximité à l’œuvre depuis des décennies. Dans les formes d’action, ce qui nous distingue peut-être à Dole, c’est la volonté d’échange et de partage à chaque étape de l’action. C’est le fait que des citoyens lambdas se mettent autour d’une table pour débattre et s’occuper, ensemble, de l’avenir de leur hôpital. On trouve là tous les ingrédients d’un mouvement à la fois social et d’éducation populaire puisque de nombreux participants se forment et s’informent, à travers le comité de défense, sur les problématiques d’accès aux soins, sur le rôle de l’hôpital public, et même sur l’aménagement du territoire.
Quel est votre apport dans ces débats et dans l’action ?
Jacques Seguin : C’est celui des Mutuelles de France qui, grâce à son collectif, me donne un certain recul sur les enjeux, m’incite à proposer une analyse et une réflexion politique globale permettant de replacer la situation locale dans un contexte général, d’éclairer et de mettre en perspective des sujets comme la place de l’hôpital, les questions du reste à charge pour les patients, de dénoncer les ambiguïtés de dispositifs comme le mal nommé « 100% Santé »… C’est aussi une manière concrète de faire découvrir ce qu’est le mouvement mutualiste, ses valeurs, et la possibilité relativement peu connue du grand public de militer pour le droit à la santé. Pour moi, ce type d’action se situe au croisement de deux axes des travaux de notre récent congrès de Brest : l’accès à la santé et son corolaire, la démocratie en santé.
Propos recueillis par Louis Michel