Césariennes : trop ou pas assez

Quelle est la proportion d’accouchements par césarienne dans le monde ? Dressant un panorama mondial, l’Ined révèle les écarts très importants d’un pays à l’autre, entre ceux où la césarienne est pratiquée de façon abusive et où le taux est supérieur à la norme recommandée par l’Oms – entre 10 % et 15 % – et ceux où il se situe en-dessous.

La césarienne est une intervention chirurgicale qui peut prévenir efficacement la mortalité maternelle et néo-natale lorsqu’elle est pratiquée pour des raisons médicales. A l’échelle mondiale, les taux de césariennes ont augmenté au cours des dernières décennies. Selon des estimations récentes portant sur 150 pays, 21 % de toutes les naissances se font par césarienne, avec des moyennes allant de 1 % à 58 % selon les pays. Ce taux mondial a presque triplé en un quart de siècle, passant de 6,7 % en 1990 à 19,1 % en 2014, selon les estimations de l’Oms. Au-delà d’un certain niveau, cet accroissement ne s’est pas accompagné d’avantages significatifs pour la santé maternelle ou périnatale, ce qui suggère qu’une proportion croissante de ces césarienne n’est pas nécessaire.

Le fait de ne pas avoir accès à une césarienne en temps utile lorsque survient une complication obstétricale peut mettre en jeu la vie de la mère et de son enfant. De nombreuses femmes font face à cette situation périlleuse au cours de leur accouchement, notamment dans les pays pauvres où les systèmes de santé sont peu performants et ne répondent pas aux besoins de toutes les femmes. Mais à l’inverse, la césarienne est également associée à des risques à court et à long terme pour les femmes, les enfants et les grossesses futures, ainsi qu’à des coûts de santé considérables. Ces risques sont plus élevés dans les milieux où les femmes ont un accès limité à des soins obstétricaux de bonne qualité.

« Epidémies » de césariennes

Les causes de l’augmentation du taux de césarienne varient d’un pays à l’autre, et à l’intérieur d’un même pays. Plusieurs raisons peuvent se combiner : une baisse de compétence du corps médical pour qu’un accouchement potentiellement difficile se fasse quand même par voie naturelle, le confort de pouvoir programmer le jour de la naissance, ou des revenus plus élevés pour les médecins et cliniques privées en cas de césarienne. La peur de l’accouchement par voie vaginale peut également contribuer à cette « épidémie de césariennes » dans certains pays. L’augmentation soutenue des taux de césarienne est une préoccupation majeure de santé publique, et il est urgent de disposer de recommandations fondées sur des données probantes pour faire face à cette tendance.

La fédération internationale de gynécologie-obstétrique préconise plusieurs pistes pour limiter l’abus de césariennes dans le monde : pratiquer un tarif unique pour les naissances, qu’elles aient lieu par césarienne ou non, obliger les hôpitaux à publier leurs statistiques, mieux informer les femmes des risques, améliorer la formation à l’accouchement naturel. Mais chaque pays doit adapter sa stratégie à son propre contexte et aux leviers possibles pour faire changer les comportements. En France, la place prépondérante des sages-femmes dans le suivi des femmes enceintes, les séances d’éducation et de préparation à l’accouchement et la revue systématique des indications de césariennes programmées par les pairs ont permis de stabiliser le taux autour de 20 % depuis le début des années 2000. Toutefois, la situation n’est pas totalement maîtrisée car 28 % des césariennes réalisées avant travail en 2010 étaient potentiellement évitables. Les principales indications de césariennes programmées telles qu’une présentation par le siège ou un antécédent de césarienne ne correspondaient pas aux recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français.

Les césariennes en chiffres

Le taux de césarienne varie de 1 % à 58 % dans le monde. Il est particulièrement bas, en deçà de 5 %, dans des pays peu développés d’Afrique subsaharienne comme le Mali (2 %), le Nigeria (3 %) et le Congo (5 %). A l’opposé, il dépasse les 30 % dans des pays européens comme Chypre (57 %), la Géorgie (41 %), la Roumanie (40 %) ou l’Italie (35 %). Il est très élevé aussi en Amérique latine, qui a une longue histoire d’accouchements par césarienne. La République dominicaine arrive en tête avec 58 %, suivie notamment par le Brésil (55 %), le Chili (50 %) et l’Equateur (49 %).