Pierre Dharréville : « Cette réforme va à l’encontre de la philosophie de la Sécurité sociale » 

Député (PC) des Bouches-du-Rhône, Pierre Dharréville est inscrit au groupe de la Gauche démocrate et républicaine. il est membre de la commission des Affaires sociales et fait partie de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale. 

A l’Assemblée nationale, vous combattez la réforme des retraites. Pour quelles raisons ?

Le groupe auquel j’appartiens combat en effet résolument la réforme dans son ensemble car elle veut généraliser l’allongement de la durée de travail et faire reculer l’âge de départ en retraite. Ce n’est pas admissible. Avec cette loi, les droits ne seront plus garantis. Ils seront fonction d’une seule règle d’or : l’équilibre financier. Celui-ci sera obtenu en jouant sur cinq critères : la valeur d’achat du point, la valeur du service du point (1), l’âge de départ, le montant de la décote pour ceux qui partent avant l’âge requis et l’indexation des pensions une fois la pension liquidée. Avec cette réforme, le droit à la retraite deviendrait révisable, fluctuant. Le fond de l’affaire est là.

Le gouvernement présente pourtant cette réforme comme une avancée pour de nombreux Français…

En effet, le gouvernement dit, par exemple, que cette réforme sera favorable aux femmes. Or les associations féministes et les analyses contestent ces déclarations. De plus, vouloir faire entrer dans le calcul des retraites l’ensemble de la carrière plutôt que les 25 meilleures années ou les six derniers mois pour les fonctionnaires va à l’évidence faire chuter les droits de très nombreux Français. Chaque « accident » de parcours dans une vie professionnelle entraînera un malus. Enfin et surtout,

cette loi qui veut imposer la règle du « chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits » représente un changement total de la philosophie de la sécurité sociale pour laquelle « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».

C’est une individualisation des parcours et une attaque frontale de notre modèle social solidaire.

Le gouvernement a fait passer le texte par le biais du 49.3. Qu’en pensez-vous ?

Depuis le début de cette réforme, le gouvernement a voulu passer en force. Il n’a jamais voulu débattre ni avec les députés, ni avec les organisations syndicales ni même avec le Conseil d’Etat qui a d’ailleurs fait des remarques cinglantes à propos de ce texte. C’est une réforme qui a été mal ficelée, mal préparée et qui va entraîner des conséquences très lourdes pour la société. Alors qu’il s’agit d’une loi qui va impacter la société française sur des générations, il avait été prévu moins de temps de débat à l’Assemblée que pour les lois de bioéthique ou du budget de la Sécu. Ce n’est pas sérieux.

Que demande votre groupe ?

Le retrait pur et simple de la réforme ou à tout le moins l’organisation d’un référendum. Nous voulons débattre autour de ce texte. Car nous avons des propositions.

La nomination d’Olivier Véran au ministère de la Santé peut-elle changer la donne ?

Je n’en ai pas l’impression. Pour moi, cette nomination est une opération de communication.

  1. La valeur de service du point est la valeur du point permettant de calculer le montant de la prestation retraite qui sera versé à l’assuré. Elle correspond à la valeur du point l’année du départ à la retraite de l’assuré.