Flavia Zanotti : « La nouvelle “ taxe Covid ” sera principalement portée par les mutuelles »

Depuis le 1erjanvier 2021, le reste à charge zéro (panier 100 % santé) est entré dans sa phase finale, avec l’offre d’audioprothèses et de certaines prothèses dentaires sans aucun reste à charge. Cette réforme qui résulte de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 et du décret du 12 janvier 2019 a été mise en place par étapes entre 2019 et 2021 et représente un coût d’un milliard d’euros pris en charge par l’assurance maladie (700 millions d’euros) et les organismes complémentaires (300 millions d’euros). Flavia Zanotti, spécialisée dans l’assurance de personnes chez Deloitte, rappelle ici que « les mutuelles se sont beaucoup impliquées dans la longue négociation de la réforme en 2018 pour que le panier soit qualitatif et pas bas de gamme ». Considérés comme des acteurs de la solidarité et de l’accès aux soins pour cette réforme, les organismes complémentaires se voient aujourd’hui infliger une taxe d’1,5 milliard d’euros comme de simples entreprises économiques. « Un coup rude pour les mutuelles car la complémentaire santé représente 85 % de leur activité contre 5 % pour les assureurs privés » souligne Flavia Zanotti.

Depuis le 1er janvier 2021, la dernière étape du reste à charge zéro (panier 100 % santé) a été franchie pour les audioprothèses et certaines prothèses dentaires. Quel est votre regard sur cette réforme qui s’est étalée sur trois ans ?

Les Français ayant une perte d’audition pourront s’équiper d’un appareil gratuitement, à condition de choisir dans le panier 100% santé. C’est un changement quand on sait que 65 % des personnes malentendantes ne s’appareillaient pas en raison des montants à débourser : au départ, pour un coût moyen de 1 500 € par oreille, le patient devait payer 900 € de sa poche. Au 1erjanvier 2020, ce reste à charge avait été réduit de 250 euros. Et désormais, il n’y a plus de reste à charge. De même, depuis le 1er janvier 2021, le panier 100 % santé s’est élargi à de nouvelles prothèses dentaires. Il faut savoir qu’avant 2018, 45 % des Français disaient avoir renoncé à des soins dentaires pour des raisons financières. Le reste à charge pour les prothèses dentaires atteignait 43 % du montant de la facture.

Que peut-on dire du rôle des mutuelles dans cette réforme ?

Les organismes complémentaires, dont les mutuelles, se sont beaucoup impliqués dans la longue négociation de la réforme courant 2018. Les mutuelles ont œuvré pour que le panier 100 % santé soit qualitatif. Les discussions furent compliquées et difficiles, la réforme impactant beaucoup d’acteurs (audioprothésistes, opticiens, dentistes, prothésistes dentaires…) ainsi que l’assurance maladie. Dans cette phase préalable, il y avait un risque non négligeable d’aboutir à une réforme avec un panier bas de gamme. Cela n’est pas le cas et c’est fondamental pour qu’il y ait un vrai progrès dans l’accès aux soins sur les trois postes (optique, dentaire, audition).

On peut dire aussi que la réforme du reste à charge zéro n’a pas entraîné une hausse importante des cotisations des mutuelles. La hausse des tarifs est restée dans les proportions habituelles. 

Le gouvernement a décidé d’infliger une taxe d’1,5 milliard d’euros aux organismes complémentaires pour 2020-2021. Qu’en pensez-vous ?

Il y a de quoi s’étonner. Avec cette nouvelle mesure, on arrive à un taux de taxation des complémentaires santé de 16,5 % sur les primes perçues, ce qui est très élevé, d’autant que ces contrats participent à l’accès aux soins qui reste un bien fondamental. Le gouvernement a estimé que les organismes complémentaires avaient fait 2,2 milliards d’euros « d’économies » pendant le premier confinement. Mais cette taxe paraît prématurée car on peut craindre que l’état de santé des Français se soit détérioré à cause du report de soins et de l’isolement. Les mutuelles vont certainement avoir des coûts supplémentaires avec le rattrapage qui s’annonce.

Par ailleurs, les impacts économiques de la Covid-19 sont devant nous. Il est à craindre une vague de licenciements et de défaillances d’entreprises particulièrement forte. Dès lors, les complémentaires qui ont une large proportion de contrats collectifs en portefeuille seront exposées à la perte d’adhérents.

Enfin, je note que cette nouvelle taxe à la charge des assureurs santé sera principalement portée par les mutuelles qui détiennent 50 % des parts de ce marché. Le coup est d’autant plus rude pour les mutuelles que la part de l’assurance santé représente 85 % de leur activité quand il ne s’agit que de 5 % de l’activité des sociétés d’assurances. 

* Etude « Les Français et la santé » Deloitte-OpinionWay de mai 2019.