Exigeons la levée des brevets sur les vaccins contre la Covid-19

Quelques grandes entreprises pharmaceutiques détiennent les brevets sur les vaccins anti-Covid-19

A ce jour, un peu plus de 11 % de la population française a été vaccinée. La campagne de vaccination doit être accélérée chez nous, mais aussi dans l’Union européenne et dans le monde. En l’absence de traitement, le vaccin est la seule issue possible à cette crise sanitaire. Or, alors qu’il a été rendu possible grâce aux avancées de la recherche publique mondiale, les Etats sont totalement dépendants du bon vouloir des entreprises pharmaceutiques. Les Big Pharma ont aujourd’hui la mainmise totale sur la production et la distribution des vaccins aux différents pays. Face à cette situation, une initiative citoyenne européenne https://noprofitonpandemic.eu/fr/ exige la levée des brevets sur les vaccins.

Le 2 octobre 2020, l’Afrique du Sud et l’Inde, à la tête d’une coalition de plus de 100 pays, déposaient un texte proposant d’accorder une dérogation temporaire à certaines obligations découlant de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic) afin que n’importe quel pays puisse produire les vaccins sans se soucier des brevets. Face à la crise sanitaire, il y a, en effet, une urgence absolue à mutualiser toutes les technologies validées pour développer et répartir équitablement la production à l’échelle européenne et mondiale. Des négociations pour lever les brevets sur les vaccins sont en cours à l’Organisation mondiale du commerce (Omc). Jusqu’à présent, l’Union européenne et la France se sont opposées à cette proposition, à laquelle la population est pourtant favorable. Dans un sondage exclusif publié dimanche 7 mars,  plus des deux tiers des Français se disent en effet favorables à ce que les gouvernements mettent fin au contrôle exclusif des entreprises pharmaceutiques sur la composition et les technologies des vaccins contre la Covid-19.

« il faut défendre les solutions publiques et ne plus accepter d’être soumis à l’arbitrage et aux délais de livraison de Big Pharma. »

Benoît Teste, secrétaire général de la Fsu.

C’est pour faire des vaccins des «biens communs de l’humanité » que, le 30 novembre 2020, des acteurs du mouvement social, des syndicats, des Ong ont lancé la campagne européenne « Pas de profit sur la pandémie ». Cette campagne, par le biais de initiative citoyenne européenne (Ice) : https://noprofitonpandemic.eu/fr/  vise à obtenir 1 million de signatures dans au moins sept Etats membres de l’UE pour exiger un changement législatif à la Commission européenne. Des dizaines d’organisations ont rejoint la campagne qui en regroupe aujourd’hui plus de 200 au niveau européen. De nombreuses personnalités soutiennent ces revendications, comme le président de l’Oms ou les membres du comité bioéthique de l’Unesco. A ce jour, 105 000 signatures ont été recueillies, dont 25 000 en France. Le 11 mars, date d’anniversaire de la déclaration de pandémie par l’Oms, plusieurs organisations signataires de l’Ice ont tenu une conférence de presse.

« Il faut tout faire pour accélérer la vaccination par la coopération et la mutualisation », martèle Benoît Teste, secrétaire général de la Fsu. « Face à l’urgence, il faut défendre les solutions publiques et ne plus accepter d’être soumis à l’arbitrage et aux délais de livraison de Big Pharma. Et même en admettant que toute la population française soit vaccinée, si le virus continue à circuler dans les pays pauvres, des variants résistants aux vaccins vont continuer à se développer. Il faut donc assurer rapidement la vaccination dans le monde entier. » De son côté, Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français, demande que les citoyens « poussent fort pour que la France exige la levée des brevets. C’est aussi une demande de l’Oms à l’Omc. Les chercheurs ont réalisé des prouesses pour parvenir à réaliser ces vaccins et nous subissons aujourd’hui une pénurie insupportable. Nous sommes pénalisés par le profit. Il faut mener une bataille immense pour faire signer la pétition et interpeller les pouvoirs publics. »

« Il nous faut pousser fortement pour que le président de la République signe l’appel à lever les brevets sur les vaccins. »

Pascale Vatel, secrétaire générale de la Fédération des mutuelles de France.

« Pour nous, Mutuelles de France, la santé n’est pas une marchandise, elle est un droit. Nous nous sommes donc retrouvés dans cet appel pour défendre le vaccin comme bien commun. Il faut sortir de notre dépendance stratégique et financière aux laboratoires, affirme de son côté Pascale Vatel, secrétaire générale de la Fédération des mutuelles de France […]. Après le drame de la pénurie de masques, la gestion chaotique des dépistages, l’absence de médicaments vitaux pour les patients atteints de maladies graves durant le premier confinement, la gestion de la vaccination montre encore une fois notre dépendance stratégique et financière aux laboratoires pharmaceutiques privés,alors même qu’ils profitent largement de l’argent public. Il nous faut pousser fort pour sortir la santé de toute logique marchande et travailler fortement pour que le président de la République française signe cet appel à lever les brevets sur les vaccins. »

L’Appel de Paris

Le même jour, un collectif de scientifiques, médecins, économistes, syndicalistes et responsables d’Ong ont uni leurs voix pour présenter l’Appel de Paris, signataire également de la pétition européenne https://noprofitonpandemic.eu/fr/  L’appel exige la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid-19 afin d’accroître de toute urgence la production mondiale, car les pénuries de doses en France et dans le reste du monde ralentissent dangereusement les efforts de vaccination.

« Aux quelques entreprises pharmaceutiques privées, ainsi qu’aux dirigeants des États, producteurs de vaccins, nous disons avec force que, face au désastre mondial que nous traversons, rien ne saurait justifier votre monopole, votre défense acharnée des brevets, ni la spéculation financière sur notre santé. »

Appel de Paris, le 11 mars 2021.

« Les vaccins sont là, nous savons les produire, mais ils ne sont toujours pas accessibles au plus grand nombre. Une plus large et plus rapide distribution de ces vaccins en France et dans le monde se trouve aujourd’hui empêchée. Les intérêts privés, les considérations marchandes et les tractations opaques instaurent une intolérable pénurie mondiale de vaccins. Cette privation est injuste pour les uns et dangereuse pour tous. Aux quelques entreprises pharmaceutiques privées, ainsi qu’aux dirigeants des Etats producteurs de vaccins, nous disons avec force que, face au désastre mondial que nous traversons, rien ne saurait justifier votre monopole, votre défense acharnée des brevets, ni la spéculation financière sur notre santé. L’opportunisme avide devant ce fléau est une insulte à notre humanité. »

Les signataires de l’Appel demandent l’accès libre à la production et l’équité dans la distribution des vaccins. Ils veulent aussi que, face à l’urgence, toutes les forces industrielles de la planète, publiques ou privées, soient mobilisées, voire réquisitionnées.

Pour le Dr Richard Benarous, ancien directeur du département maladies infectieuses de l’Institut Cochin, Inserm, Cnrs, coauteur de l’Appel, « une centaine de scientifiques demandent à Macron de (vraiment) faire du vaccin “ un bien public mondial ” » (JDD). « L’élément essentiel de tous les vaccins, c’est la séquence génomique du virus Sars-Cov-2. Sans elle, il n’y a pas de vaccin possible. Or, il s’agit d’une ressource publique commune mondiale et accessible à tous. C’est la recherche publique mondiale qui a rendu possible la fabrication des vaccins. BioNTech et Pfizer ont eux-mêmes reconnu que leur vaccin s’appuyait sur des travaux pionniers menés depuis dix ans par de nombreux chercheurs dans le monde. C’est pourquoi les vaccins doivent être considérés comme un bien public mondial. »

« Une personne par seconde est vaccinée dans les pays riches. Pendant ce temps, soixante pays n’ont eu accès à aucune dose. »

Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France et porte-parole de l’initiative citoyenne européenne.

Pour Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France et porte-parole de l’initiative citoyenne européenne Pas de profit sur la pandémie – Partageons les solutions !, « une personne est vaccinée toutes les secondes dans les pays riches tandis que soixante pays n’ont eu accès à aucune dose. Oxfam refuse que les citoyens soient otages de cette situation, alors même que 100 milliards de fonds publics à l’échelle du monde ont été mobilisés pour cette pandémie, que les entreprises qui ont breveté ces vaccins et leurs actionnaires ont déjà fait fortune sur cette situation. Il est donc temps de lever urgemment les brevets de ces vaccins, de rendre la production beaucoup plus massive et de dire oui aux pays comme l’Inde et l’Afrique du sud qui ont demandé à l’Omc que ces décisions soient prises ».

« Nous sommes pour la levée des brevets et,
au-delà, nous posons clairement la question de la mise à disposition de l’outil de production. »

Laurent Ziegelmeyer, représentant de la Cgt Sanofi.

« S’il n’y avait pas eu pas un énorme apport d’argent public et si la Covid 19 n’avait touché que les pays pauvres, est-ce que les labos se seraient précipités pour trouver un vaccin ? » s’interroge quant à lui Laurent Ziegelmeyer, représentant de la Cgt Sanofi. Il témoigne que, dans leur immense majorité, les salariés des entreprises pharmaceutiques ne sont pas en phase avec les orientations des directions. Chez Sanofi, des centaines de postes de chercheurs ont été supprimés tandis que l’entreprise réalisait 12 milliards d’euros de bénéfices en 2020 (c’est 200 fois plus que les dons pour le Téléthon). Or l’entreprise reçoit de l’argent public sous forme de crédits d’impôts recherche. « Nos salariés et chercheurs qui se lèvent tous les jours pour travailler le font pour découvrir des traitements et des vaccins utiles à tous, des biens communs à l’humanité, pas pour scruter le cours de l’action. C’est pourquoi nous sommes pour la levée des brevets et, au-delà, nous posons clairement la question de la mise à disposition de l’outil de production. Nous avons d’ailleurs, dès l’annonce de Sanofi sur son retard dans la recherche sur le vaccin, interpellé au plus haut niveau la direction du groupe pour que nos usines soient utilisées pour développer ceux autorisés sur le marché. »