« Lutter contre les stéréotypes sexistes »

Elisa Lang, bénévole à Handsaway DR
Elisa Lang, bénévole à Handsaway DR

Elisa, vingt-quatre ans, étudiante en école de commerce, livre son témoignage de militante au sein de HandsAway, association qui aide les femmes victimes d’agression sexuelle et de harcèlement de rue. Elle milite pour déconstruire les stéréotypes sexistes.

L’association HandsAway est destinée aux femmes victimes d’agressions ou de harcèlement de rue, pour qu’elles puissent alerter en cas de danger, via une application du même nom.

En 2020, l’appli HandsAway été inondée de messages et de propos à caractère sexiste et sexuel et d’appels au viol. Jusqu’à un dessin de croix gammée et de phallus. Les posts ont été exclusivement diffusés par des comptes ayant des pseudos masculins.

A la suite de cette cyber-attaque, l’application a suspendu son service afin de renforcer sa structure, pour plus de sécurité. En attendant de rouvrir, l’association HandsAway a déposé plainte pour cyber-harcèlement. Le site de l’association, handsaway.fr, est toujours accessible.

Quel a été le déclic de votre engagement au sein de HandsAway ?

Elisa : Je suis étudiante en école de commerce et j’ai vu dans les soirées combien les filles étaient maltraitées, souvent agressées, voire plus. Je considérais cela comme faisant partie du jeu. Je n’étais pas consciente qu’il s’agissait d’agression sexiste, sexuelles, ou pire de viol. Je pensais que ces comportements, qui se déroulaient dans un cadre festif, étaient, disons « normaux ».

Cela ne nous vous choquait pas ?

Non, je trouvais cela banal, et non, cela ne me choquait pas. Ce n’est que plus tard que j’ai compris que c’était quelque chose de grave et de très profondément ancré dans les mœurs. Je me suis aperçue que ces pratiques perduraient dans le monde du travail et là j’ai été choquée car je pensais que, dans la vie professionnelle, tout revenait à la « normale », mais c’est loin d’être le cas. Ces comportements, cette culture, existent aussi au sein de la famille et dans toute la vie sociale. C’est petit à petit que j’ai pris la mesure du problème. Et j’ai voulu faire quelque chose pour lutter contre.

Concrètement, comment cela s’est-il traduit ?

Par exemple, je suis directrice de centre de loisirs, l’été, et lors de rencontres festives, je disais aux animatrices de faire attention à leur tenue, maintenant avec la formation que j’ai reçue et mon expérience au sein de l’association, je ne leur dis pas du tout la même chose. Je leur dis : « Tu t’habilles comme tu veux » et je les mets en garde contre les réflexions sexistes pour les déculpabiliser.

Quel message portez-vous ?

Il est important d’expliquer et de répondre clairement à des questions qui peuvent être posées. Par exemple : qu’est-ce qu’une main aux fesses, un bisou forcé, un attouchement, un outrage sexiste ? Situer dans un contexte légal. Mettre des mots sur ces actes que filles comme garçons banalisent. Lutter contre les stéréotypes. La culture du viol est encore très ancrée dans notre société, dans toutes les couches sociales. C’est un phénomène à grande échelle. Et, nous, les filles, la véhiculons sans le savoir.

Et puis, c’est aussi sensibiliser les managers, les présidents d’associations et leur donner des outils pour réagir en cas d’agression sexuelle dans leurs milieux. Cela prend du temps. Moi-même, je lutte encore contre certains stéréotypes, je ris encore à certaines blagues de « relou ». Il faut énormément de temps pour s’approprier une nouvelle façon de réfléchir. Maintenant, une chose est sûre, c’est que je ne banalise plus.

Que pensez-vous de l’écho de la parole des victimes sur les réseaux sociaux ?

La libération de la parole des victimes a été bénéfique, on comprend mieux le problème et son ampleur, grâce aux réseaux sociaux (RS). Il y a une bonne dynamique et on s’en réjouit. Les RS et les # ont fait exploser le phénomène, les témoignages ont afflué. Cela n’aurait pas été possible si les seusl supports possibles avaient été les médias traditionnels. Grâce à cette vitesse et à cette quantité d’informations, les victimes ont pu réagir sur les RS. Maintenant, on dit aux victimes : « Oui, on vous croit et on vous aide. »

Expliquez-nous le concept d’ange gardien, propre à HandsAway ?

Nous considérons que l’aide aux victimes est un point central et pour cela les témoins, en cas d’agression, sont centraux. Ils ont toute leur place. Souvent, on ne porte pas secours, pas peur, par déni… et nous, au sein de HandsAway, ne portons pas de jugement. Ce que l’on a développé, c’est la notion d’ange gardien, pour que les témoins sachent réagir, pour le bien des victimes, sans se mettre en danger eux-mêmes. C’est pourquoi, dans l’application, une carte est disponible avec une géolocalisation pour que l’ange gardien puisse porter assistance à une femme qui se fait agresser à côté de chez lui. Lorsque l’appli sera de nouveau disponible, ce sera possible. Nous l’espérons, assez vite.

En attendant, on peut aller sur le site ou sur FB et utiliser toutes les ressources pour réagir.

facebook.com/handsaway.application