Contre la privatisation de la santé : la mobilisation européenne s’intensifie

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Le « Réseau européen contre la privatisation et la commercialisation de la santé et de la protection sociale » existe depuis 10 ans. Cette organisation rassemble des collectifs, des associations et des syndicats de toute l’Europe, dont les Mutuelles de France. Pour la journée mondiale de la santé, le 7 avril 2022, le mouvement organisait plusieurs évènements partout en Europe.  

« La commercialisation de la santé est une véritable pandémie. Une maladie extraordinairement grave, qui exclut des soins de santé une part importante de la population ». Yves Hellendorff est l’un des porte-paroles du Réseau européen contre la privatisation et la commercialisation de la santé et de la protection sociale. Ce-dernier représente l’un des plus importants syndicats belges, la Centrale nationale des employés CNE. Les membres du Réseau sont alors à Paris. Pour la journée mondiale de la santé, qui avait lieu le 7 avril 2022. A cette occasion, le mouvement invitait l’ensemble des collectifs, associations et syndicats internationaux qui le soutiennent à participer à des actions de sensibilisation. Avec en point d’orgue une manifestation dans l’actuelle capitale de l’Union européenne. 

La déliquescence des systèmes de soins européens

A Paris, la journée démarrait par une conférence de presse. Avec autour de la table, plusieurs organisations syndicales belges, italiennes, hollandaises… Ainsi que les collectifs inter-hôpitaux et inter-Urgences, Stop brevets, Notre santé en danger, la fédération santé et action sociale de la CGT, les Mutuelles de France et la Fédération syndicale européenne des services publics (EPSU)… Chacun leur tour, ils ont raconté la déliquescence du système de soins de leur pays. La détérioration des conditions de travail des professionnels de santé. « Nous en avons encore eu l’exemple avec le scandale d’Orpea », rappelait le syndicaliste de la CNE belge.

Conférence de presse à Paris du Réseau européen contre la privatisation de la santé  le 7 avril 2022 © Mutuelles de France
Conférence de presse à Paris du Réseau européen contre la privatisation de la santé le 7 avril 2022 © Mutuelles de France

Hold-up de l’État français

« Et pendant la crise sanitaire, le gouvernement est même venu piller le budget de la Sécurité sociale, renchérit Lucas Jourdain au nom des Mutuelles de France. Car aucune véritable politique de santé n’a été mise en place auparavant. Alors quand le Covid est arrivé, il a fallu financer les équipements des professionnels de santé, les tests PCR et antigéniques, le développement des vaccins. Et l’Etat est allé puiser dans les caisses de la Sécu. Il s’agit là d’un véritable hold-up », a déploré le représentant de la Fédération. En insistant sur le soutien de la FMF, qui réunit 80 groupements mutualistes non-lucratifs. « En tant que gestionnaires de centres de santé, nous sommes également confrontés aux pénuries de professionnels », précisait Lucas Jourdain. Avant de rappeler que 10 % de la population française vit aujourd’hui dans un désert médical. 

Non rentabilité

Les conséquences dramatiques de la commercialisation de la santé sont observées partout en Europe, poursuit le syndicaliste de la CNE belge. « Le même mécanisme destructeur se reproduit dans chacun des Etats membres. Et même au-delà. Ainsi, la population solvable et les prestations rentables relèvent du secteur commercial. Tandis que le secteur public et associatif non commercial doit prendre en charge la population non solvable et les prestations non rentables. Alors, c’est le cercle vicieux. Le secteur public et non commercial reste sous-financé. Et enfermé dans une non-rentabilité entraînant par définition des services de moindre qualité. »

Le secteur privé favorisé par l’UE

A l’échelle de l’Union européenne, le constat est le même. L’exemple du fonds « Next Generation EU » est avancé. Cette enveloppe de 750 milliards d’euros accordée au moment de la crise sanitaire. « Nous savons aujourd’hui qu’une part importante de ce plan de relance est octroyée au secteur commercial, ajoute Yves Hellendorff. Certes, l’Europe accorde des moyens. Mais cet argent n’est pas destiné à une prestation publique, ou associative non marchande. Le secteur commercial est ainsi favorisé dans toute une série de pays ».

Des alliés parmi les parlementaires européens

Le porte-parole du Réseau évoque ensuite les travaux de concertation menés auprès des instances européennes. « En effet, plusieurs parlementaires sont acquis à notre cause. Et nous les rencontrons régulièrement pour qu’ils puissent porter ces sujets au Parlement ». Yves Hellendorff appuie sur le rôle déterminent de l’Europe dans la lutte contre la commercialisation de la santé. 

Action menée par le Réseau européen contre la privatisation de la santé au siège de l
Action menée par le Réseau européen contre la privatisation de la santé au siège de l’OMS à Genève © Réseau européen contre la privatisation de la santé

Injonctions budgétaires

Identifier de quelle manière l’UE pèse sur les différentes politiques de santé constitue l’une des principales missions du mouvement. L’organisation mandate ainsi des universitaires pour décrypter la façon dans l’Europe impose ses propres vues dans l’ensemble des systèmes de soins. Et la première intervention directe se retrouve lors Semestre européen. Dont l’objectif est de fixer un cadre économique aux États membres. « Il reçoivent alors des injonctions budgétaires. Notamment sur les politiques de santé », poursuit Yves Hellendorff. 

La crise grecque comme déclencheur

Le Réseau européen contre la commercialisation de la santé a cette année 10 ans d’existence. Jean Vignes, administrateur de l’organisation revient sur sa création, en 2012. « En pleine crise financière de la Grèce. Le pays vivait alors une situation sanitaire catastrophique. Les hôpitaux fermaient. Il n’y avait plus de moyens pour les soins. Et l’Europe était en première ligne. De ce fait, nous ne pouvons la croire lorsqu’elle affirme ne pas être compétente sur les affaires de santé. »

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