Audition : le dépistage reste la clé de l’efficacité des prises en charge

La prévention auditive doit être effectuée à tous les âges 123RF©
La prévention auditive doit être effectuée à tous les âges 123RF©

Pour bénéficier des solutions existantes et limiter les conséquences des troubles auditifs, le dépistage est essentiel à tous les âges de la vie. La 19e édition de la Semaine du Son de l’UNESCO organisée jusqu’à la fin du mois de janvier est l’occasion de dresser un état des lieux de la prévention auditive en France. Président de la Société mondiale d’ORL, le Professeur Bernard Fraysse détaille les actions préventives aujourd’hui mises en place et les besoins d’amélioration.  

Une personne sur quatre souffrira de problèmes d’audition d’ici à 2050 selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). En France, quelles actions de prévention sont mises en place pour prévenir les troubles auditifs ?

Bernard Fraysse : L’une des avancées majeures de ces dernières années est le dépistage systématique des nouveau-nés, mis en place en 2014. 98 % des maternités françaises pratiquent aujourd’hui cette action de prévention. Auparavant, les troubles de l’audition étaient détectés bien plus tard. Au moment de l’arrivée du langage. Or, une prise en charge tardive multiplie les risques de retard au développement. Après ce dépistage de l’audition à la naissance, des missions de prévention sont ensuite menées auprès des adolescents. Pour les informer des risques liés au bruit, en fonction de l’intensité et de la durée d’exposition. Des actions préventives ont lieu dans les établissements scolaires et des bouchons de protection sont également distribués pendant les concerts… il y a de ce fait une véritable prise de conscience chez les jeunes. Concernant l’audition des enfants, il est toutefois important de rester attentif aux otites chroniques. 

Pourquoi est-il recommandé de surveiller les otites à répétition ?

B. F. : Les risques d’inflammation sont extrêmement fréquents lors d’une otite, de l’ordre de 30 % pour les enfants. Or ces infections séreuses peuvent avoir de lourdes conséquences sur l’audition et entraîner des troubles du langage. Avec un audiogramme, prescrit par un médecin, il est possible de surveiller les capacités auditives de l’enfant. En cas de problème, la pose d’un drain transtympanique également appelé « yoyo », permet au pus et aux fluides de s’écouler plus facilement. Mais encore faut-il réaliser ce bilan auditif le plus tôt possible.

Pour les adultes, la prévention des pertes auditives est-elle suffisamment développée ?

B. F. : Dans le cadre professionnel, la réglementation impose aux entreprises ayant un environnement sonore important de surveiller l’audition de ses employés. Les salariés doivent ainsi réaliser des audiogrammes de façon régulière. L’un des points d’attention essentiels de la prévention auditive reste le dépistage chez les sujets âgés. Nous savons aujourd’hui qu’il existe un lien direct entre les troubles de l’audition et le déclin cognitif. Dans le cadre d’une surdité légère, le risque de développer une démence sera d’un cas sur 9. Cette éventualité devient cinq fois plus élevée lorsque la surdité est importante. Même s’il est communément acquis de moins bien entendre lorsque l’on prend de l’âge, cette presbyacousie doit impérativement faire l’objet d’un dépistage. En effet, détectée le plus tôt possible, elle pourra être prise en charge de façon adaptée. Et prévenir ainsi l’éventualité de développer des troubles cognitifs.

Nous savons aujourd’hui qu’il existe un lien direct entre les troubles de l’audition et le déclin cognitif.

Professeur Bernard Fraysse, président de la Société mondiale d’ORL

A partir de quel âge faut-il commencer à surveiller son audition ?

B. F. : Pour la presbyacousie, il est recommandé de commencer ces dépistages auditifs entre 40 et 50 ans. De nombreuses applications gratuites existent pour se tester, comme Höra, qui a été lancée par la Fondation pour l’audition. Par ailleurs, les pouvoirs publics ont annoncé la généralisation d’un rendez-vous de prévention au moment du départ à la retraite. Les actions préventives tendent à se multiplier, notamment par le biais des outils numériques et des applications permettant de s’autoévaluer ou de surveiller son exposition au bruit. L’enjeu aujourd’hui est de sensibiliser la population et de généraliser ce dépistage systématique. De nombreuses solutions existent pour limiter et soigner les problèmes auditifs : prothèses, opérations chirurgicales, prises en charge médicamenteuse… L’essentiel reste l’identification précoce de ces troubles pour bénéficier d’une prise en charge efficace. Pour cela, l’information préventive a besoin d’être diffusée le plus largement possible.

Les sons compressés asphyxient l’oreille

La 19e édition de la Semaine du Son de l’UNESCO se tient jusqu’à la fin du mois de janvier dans toute la France. Des débats et des forums sont organisés pour évoquer le son dans toutes ses dimensions, environnementales, sociétales et médicales…. A cette occasion, les résultats de la première étude expérimentale sur les sons compressés ont été dévoilés. 

De la radio à la télévision, en passant par les plateformes de streaming, les discothèques et les jouets musicaux, les sons compressés sont utilisés absolument partout. La compression est une technique de mixage qui vient « tasser » le son pour réduire les écarts entre les niveaux faibles et les niveaux forts. « Ce procédé engendre un niveau sonore plus élevé et ne ménage aucune plage de silence. C’est un son qui ne respire plus », explique Christian Hugonnet Ingénieur acousticien et président fondateur de la Semaine du Son.

Les récentes expériences menées sur la compression du son ont été réalisées sur 90 cochons d’inde. Les cobayes ayant la particularité d’avoir une ouïe similaire à celle de l’homme. Pendant 4 heures, ils ont été exposés à de la musique compressée. Un disque de la chanteuse Adèle passé en boucle. Il en résulte que « l’exposition répétée à la musique compressée est potentiellement dangereuse pour la sensibilité auditive (…) et pour l’audition ».

Le procédé de compression du son consiste à «tasser» électroniquement tous les niveaux faibles en direction des niveaux forts ©  lasemaineduson.org
Le procédé de compression du son consiste à «tasser» électroniquement tous les niveaux faibles en direction des niveaux forts © lasemaineduson.org