ll y a trente ans, on guérissait un cancer sur trois, un sur deux aujourd’hui. Les nouvelles thérapies portent de grands espoirs, pour les chercheurs et les malades. Pour eux, une (r)évolution est en marche.
L’immunothérapie
Connue depuis trente ans, l’immunothérapie trouve un nouveau souffle. Elle est en passe de révolutionner la prise en charge des cancers. Alors que la chimiothérapie et la radiothérapie s’attaquent à la tumeur pour essayer de la détruire, l’immunothérapie consiste à rendre plus performant le système immunitaire – les lymphocytes T tueurs –, pour qu’il s’attaque plus efficacement aux cellules cancéreuses. « Les résultats obtenus dans les essais en cours sont au-delà de nos espérances puisque, désormais, il est possible de traiter des malades atteints de cancers très avancés. On peut donc penser que, chez des patients présentant des cancers moins avancés, les traitements seront encoreplus efficaces. Toutefois, ces médicaments ne sont pas sans effets secondaires [des nausées qui peuvent aller jusqu’à des dysfonctionnements plus sévères de la thyroïde et du foie]. Il est donc très important de développer en parallèle des travaux visant à limiter ces effets », explique l’immunologiste Sebastian Amigorena, directeur de l’unité immunologie et cancer à l’Inserm.
Pourquoi une telle avancée ?
En 2010, l’immunologie a fait un bond en avant avec l’apparition d’une nouvelle génération d’anticorps. 35 anticorps sont autorisés dans le traitement des cancers et 350 sont en cours de développement.
D’autre part, les chercheurs comprennent mieux les mécanismes du cancer : les cellules tumorales prolifèrent et échappent à la vigilance du système immunitaire. L’idée est de comprendre comment et de proposer des solutions pour les contrecarrer.
Pour quels cancers ?
Ce principe est utilisé contre le mélanome avancé (cancer de la peau) avec succès. « Avec l’immunothérapie, on peut pour la première fois guérir un certain nombre de patients atteints de mélanomes métastatiques. C’est très encourageant ! s’enthousiasme le Pr Caroline Robert, chef du service de dermatologie à l’institut Gustave- Roussy (Villejuif). Avec les médicaments de dernière génération, 80 % de nos patients sont toujours en vie au bout de trois ans.
Avec les précédents traitements, la mortalité aurait été plus élevée. » L’immunothérapie est testée pour d’autres tumeurs. Mais elle ne sera pas une solution miracle pour tous les cancers, simplement une arme de plus, souvent utilisée en association avec une thérapie existante. Pour l’instant, elle fonctionne sur environ 30 % des patients.
Les thérapies ciblées
Les thérapies ciblées sont en quelque sorte une médecine adaptée à chaque patient en fonction des spécificités génétiques et biologiques de sa tumeur, mais également de son environnement, de son mode de vie…
Médicaments (pouvant être administrés par voie orale ou intraveineuse) qui ciblent une protéine ou un mécanisme impliqué dans le développement de la tumeur, ils sont en principe sans effet sur les cellules saines, et peuvent être utilisés en complément de la chimiothérapie ou en alternance.
Pour quels cancers ?
Les thérapies ciblées sont utilisées dans plusieurs types de cancers, principalement dans le cancer du sein, du poumon, le cancer colo-rectal, le cancer gastrique métastatique et dans certaines leucémies et cancers rares. Elles entraînent moins d’effets secondaires que les chimiothérapies. Mais ces médicaments ont néanmoins une toxicité et peuvent être à l’origine d’une hausse de la pression artérielle, de maux de tête, de réactions allergiques ou d’atteintes digestives.
• Comment en bénéficier ?
Avant de bénéficier d’une thérapie ciblée, le patient subit différents tests moléculaires qui permettront l’identification de biomarqueurs. Ce sont des molécules ou protéines
surexprimées ou au contraire anormalement absentes dans certains types de tumeurs.
Les tests sont envoyés à l’une des 28 platesformes de génétique moléculaire des cancers
destinées à réaliser des analyses d’Adn qui ont été mises en place par l’Institut
national du cancer (Inca) à l’échelle nationale. En 2012, elles ont réalisé des tests
moléculaires pour 171 500 patients, afin de pouvoir leur proposer une prise en charge
personnalisée. Plusieurs programmes sont en cours, notamment Shiva (institut
• En France, les cancers représentent la première cause de mortalité chez les hommes
et la deuxlème chez les femmes après les maladies cardiovasculaires.
Les chiffres du cancer en France
– 355 000 nouveaux cas de cancers estimés en 2012, 200 000 hommes et 155 000 femmes. 148 000 en décèdent.
L’âge médian au diagnostic est de 68 ans chez l’homme et 67 ans chez la femme.
– Chez l’homme, les cancers les plus fréquents sont celuide la prostate, du poumon (la principale cause de décès), suivi par le cancer colo-rectal. Chez la femme, le cancer du sein est le plus fréquent et à l’origine du plus grand nombre de décès, devant le cancer colo-rectal et celui du poumon.
– Le tabac, principal facteur de risque, serait responsable de 33 % des décès par cancer chez l’homme et de 10 % chez la femme (en augmentation).
En France, nous sommes en pointe pour la thérapie ciblée. Curie, Paris) et Acsé (Institut national du cancer). Ces programmes sont proposés, sur l’ensemble du territoire, aux patients atteints de cancer en impasse thérapeutique pris en charge dans le secteur public ou privé.
Et demain ?
La recherche en cancérologie progresse à grands pas. Grâce aux progrès techniques,
on comprend mieux la maladie. « Nous avons une compréhension moléculaire des
différents types de cancer : on les démonte comme on démonterait une horloge »,
explique le Pr Hugues de Thé, biologiste, chef du service de biochimie à l’hôpital
Saint-Louis (Paris). Aujourd’hui, il ne faut que quelques jours pour déchiffrer le génome
d’une tumeur. Dans dix ans, on séquencera le génome du patient et on lui proposera une thérapie encore plus personnalisée.
Des centaines de thérapies ciblées sont en cours et la recherche sur les médicaments
avance. Demain, les chercheurs pourront introduire un virus de synthèse (inoffensif)
empli de médicament qui pénétrera au coeur des cellules malades, y déposera de quoi
les soigner avant de se biodégrader et de disparaître. Un vaccin dit « thérapeutique »
contre le cancer de la prostate métastatique a été approuvé aux Etats-Unis en 2010.
D’autres sont en cours d’élaboration. « On peut aussi compter sur les progrès de la technologie. La robotique permettra de réaliser des opérations de plus en plus
complexes et la radiothérapie de très haute précision ciblera la tumeur de façon
ultra-précise », explique le Pr Gilles Vassal, directeur de la recherche clinique de l’institut
Gustave-Roussy.
Les diagnostics progressent également : bientôt un test d’haleine permettra de détecter certains cancers (poumon, estomac) et de déterminer le stade d’évolution de la tumeur. Dans quelques années, le cancer deviendra une maladie chronique. On saura la maintenir à un stade clinique non gênant mais avec des traitements à long terme.
Et dans un futur plus lointain, on saura « corriger » les altérations de gènes responsables de cancers via des thérapies géniques ; ou encore remplacer totalement un organe touché par un cancer en utilisant des cellules-souches issues du malade.
Tous les espoirs sont permis…