Prix des masques chirurgicaux plafonnés par le gouvernement à 0,95 € – ils devraient arriver par millions cette semaine dans les supermarchés –, envolée du prix des masques grand public sans garantie de qualité et toujours des pénuries pour les soignants et les pharmacies… Sur le front des masques, l’anarchie règne. Les collectifs de soignants et les associations de patients sont plus qu’en colère… Ecœurés.
Alors que la grande distribution annonce mettre en vente cette semaine des millions de masques, le gouvernement a décidé de réglementer le prix des masques chirurgicaux à usage unique et de mettre en place un suivi sur celui des masques grand public. La Dgccrf contrôlera le respect des prix réglementés et surveillera l’évolution des autres prix. Les masques à usage unique (de type chirurgical) sont en effet fabriqués de façon standardisée, ce qui facilite la fixation de leur prix et leur contrôle. Le prix maximal de vente aux consommateurs des masques à usage unique (de type chirurgical) est fixé à 95 centimes d’euro l’unité (soit 47,50 euros la boîte de 50 masques). Il s’agit d’un prix plafond que la Dgccrf contrôlera pour s’assurer qu’il ne soit pas dépassé.
En revanche, les masques « grand public » en tissu se prêtent mal à ce type de régulation. Ces derniers peuvent en effet répondre à des spécifications diverses, notamment en termes de nombre de lavages et donc de réutilisations, à une grande variété de tissus utilisés et à une hétérogénéité de leurs modes et donc coûts de fabrication (fabrication française ou étrangère, artisanat ou industrie, produit grand public ou création couture).
Signaler les abus
Ces prix seront cependant suivis pour s’assurer qu’il n’existe pas de hausses injustifiées qui pénaliseraient les consommateurs. Cette surveillance s’exercera via des relevés de prix effectués dans les différents circuits de distribution, y compris en ligne, et d’un suivi des signalements des consommateurs ou des associations de consommateurs associées à cette démarche grâce à la plateforme SignalConso. A partir des relevés effectués, la Dgccrf communiquera régulièrement sur des fourchettes de prix pratiqués dans les réseaux de distribution sur les masques grand public. Si ces relevés de prix mettaient en évidence des abus manifestes, notamment des marges excessives de certains acteurs, des actions complémentaires seront décidées. La plateforme SignalConso, où les consommateurs peuvent signaler les manquements aux autorités de contrôle, a déjà recueilli près de 1 200 signalements concernant des abus liés au Covid-19 qui ont fait l’objet d’investigations par la Dgccrf.
Les Ordres professionnels scandalisés
L’arrivée en grand nombre des masques chirurgicaux dans les grandes surfaces – qui laisse à penser que les grands distributeurs avaient des stocks ou des circuits d’approvisionnement parallèles – provoque des remous. Dans une tribune intitulée « Les masques tombent », les présidents des ordres professionnels de soignants (1) dénoncent : « Nos soignants de la première ligne ont dû faire face à la pénurie. Une mobilisation générale a été organisée pour essayer d’améliorer la situation des personnes les plus exposées. Tous les professionnels de santé ont dû faire face à l’inquiétude. La leur, de devoir assurer leur mission, au nom de l’idéal de santé publique qu’ils défendent (…) Aujourd’hui, la consternation s’allie au dégoût. Toute guerre a ses profiteurs. C’est malheureusement une loi intangible de nos conflits. Comment s’expliquer que nos soignants n’aient pas pu être dotés de masques quand on annonce à grand renfort de communication tapageuse des chiffres sidérants de masques vendus au public par certains circuits de distribution».
«Où étaient ces masques quand nos médecins, infirmiers, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, kinésithérapeutes, nos pédicures-podologues, nos sages-femmes et
tous nos personnels en prise directe avec la maladie tremblaient et tombaient chaque matin ?»
A quand la gratuité pour les plus fragiles ?
A 95 cts l’unité et à usage unique, comment feront les plus précaires et les plus fragiles pour se procurer ces masques? s’inquiètent les associations de patients comme la Ligue contre le Cancer : «Ne s’agit-il pourtant pas d’un produit de santé ? Les inégalités se creuseront encore alors que des injonctions au port du masque obligatoire sont prévues, en particulier dans les transports… Une situation qui pèse sur les publics les plus fragiles en particulier les malades chroniques». Elles exigent la gratuité des masques pour les patients, leurs proches aidants et leurs soignants que ce soit à domicile ou pour leurs déplacements.
«JE NE PEUX ACCEPTER QUE LES PERSONNES MALADES SOIGNÉES POUR UN CANCER ET PLUS LARGEMENT TOUTES LES PERSONNES FRAGILES TRAITÉES POUR UNE MALADIE TYPE ALD, NE BÉNÉFICIENT DE MASQUES PROTECTEURS ET CELA GRATUITEMENT, FACILEMENT, EN QUANTITÉ SUFFISANTE. CELA VAUT POUR LES PERSONNES QUI LEUR VIENNENT EN AIDE. ON S’APPRÊTAIT IL Y A PEU À « LES ASSIGNER À RÉSIDENCE » ET ON NE SAURAIT LES PROTÉGER ? » S’INDIGNE LE PROFESSEUR AXEL KAHN, PRÉSIDENT DE LA LIGUE CONTRE LE CANCER.
Chez les généralistes
De son côté Jacques Battistoni, président du syndicat des généraliste MG France s’inquiète : «Les généralistes auront à leur disposition 24 masques chirurgicaux par semaine. Mais nous n’en avons pas pour nos patients malgré nos demandes répétées. Nous ne cessons de répéter aux patients qu’en portant un masque, il se protège et il protège les autres. Le gouvernement doit permettre leur mise à disposition à tous les Français ».
- Patrick BOUET, Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins
- Anne-Marie CURAT, Présidente du Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes
- Patrick CHAMBOREDON, Président du Conseil national de l’Ordre des Infirmiers
- Serge FOURNIER, Président du Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes
- Pascale MATHIEU, Présidente du Conseil National de l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes
- Eric PROU, Président du Conseil National de l’Ordre des pédicures-podologues
- Carine WOLF-THAL, Présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens