Sécurité sociale : un projet de loi sous-doté et adopté sans vote

Enclenchement du 49.3 lors de l examen du projet de loi de finances 2023 a l'Assemblee Nationale pour le PLFSS ©Eric TSCHAEN/REA
Deputes de la NUPES quittant l hemicycle lors de la prise de parole d Elisabeth Borne

Diffusé à la fin du mois de septembre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l’année 2023 a suscité de vives critiques. Parlementaires et acteurs de la protection sociale ont majoritairement déploré un manque manifeste de moyens. Mais le débat public et politique a vite été écourté. Le gouvernement a en effet fait passer le texte par 49-3.

Renforcer les actions de prévention et l’accès aux soins, accompagner les professionnels de santé, rénover le parcours de soins, renforcer la politique de soutien à l’autonomie… Les objectifs affichés du budget de la Sécu auguraient de grandes aspirations pour notre système de santé. Le projet de de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 a en effet été dévoilé fin septembre. Mais dès sa diffusion, les critiques ont mis en avant le manque de moyens alloués aux différents postes de dépenses.

Une progression de l’Ondam affichée…

La principale remarque porte sur l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. La progression annoncée de 3,7 % ne convainc pas. Ainsi, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam) s’interroge dans un communiqué officiel sur « la capacité à concilier les objectifs de maîtrise de la dépense portée par un Ondam à 3,7 % avec une volonté réformatrice ambitieuse. »

… pourtant inférieure à l’inflation

Rapportée au montant de l’inflation, la hausse de l’Ondam apparaît en effet bien trop faible pour pouvoir dégager des moyens financiers. « Dans un contexte d’inflation dynamique, (…) les investissements prévus sont insuffisants pour engager la transformation de notre système de santé », déplore la Mutualité Française.

Le constat est le même du côté de la Fédération des Mutuelles de France (FMF). « L’évolution globale de l’Ondam est inférieure à la croissance tendancielle des dépenses de santé, estimée à 4,4 % selon le gouvernement lui-même. D’autant qu’il faut conjuguer cela avec la reprise d’une inflation élevée, supérieure à 5% sur l’année. »

Vidéo de la séance publique de l’Assemblée nationale lundi 10 octobre 2022 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Un déficit qui s’élèverait à 17,8 milliards

Concernant le déficit de la Sécurité sociale, le montant annoncé par le dernier PLFSS serait de 17,8 milliards d’euros pour l’année 2022. Mais la Cour des Comptes tient à mettre ce chiffre en perspective. Dans son rapport, l’autorité de contrôle des comptes publics confirme tout d’abord une baisse avérée du déficit en 2022. « Mais sa diminution serait entièrement imputable à la baisse des dépenses liées à la crise, à nouveau sous-estimées ». La Cour des Comptes ajoute à ce sujet que le million d’euros prévu en 2023 pour les dépenses liées au Covid ne serait pas suffisant. Le montant prévu pour 2022 était quant à lui de 11,5 millions d’euros. Pour la juridiction financière, cette économie « risque de se révéler très insuffisante ».

Participation financière des complémentaires santé

Pour continuer à réduire le déficit, le gouvernement annonce par ailleurs une participation financière des complémentaires santé. Ce transfert s’élève 150 millions d’euros. « Avec une entrée en vigueur à mi-2023. Ce qui représente 300 millions d’euros en année pleine », précise l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam). La Fédération des Mutuelles de France (FMF) explique que ces transferts de charges vont avoir comme conséquence d’alourdir le montant des cotisations mutualistes. Elles pèseront donc plus lourdement sur le budget des ménages. « Le gouvernement se sert à nouveau dans la poche des adhérents des mutuelles », fustige la FMF en ajoutant que ces taxes représentent « l’équivalent de deux mois de cotisations ».

Des milliers d’amendements

Lors de son examen à l’Assemblée nationale, les députés ont également condamné le texte du PLFSS pour ses carences financières. En séance plénière, le député de la Nupes Damien Maudet dénonce un projet de loi « manifestement insuffisant et insatisfaisant. Nous sommes face à un vide vertigineux ». Au sein du groupe socialiste, Arthur Delaporte (membre de l’intergroupe Nupes) fustige le gouvernement pour son choix de « poursuivre (votre) chemin vers le nouveau krach sanitaire. Comme s’il n’y avait pas eu le Covid »… Au final, le volet des dépenses du projet de loi a fait l’objet de plus de 2000 amendements de la part des députés. Mais la grande majorité de ces demandes de modifications n’ont pas été étudiées en raison du recours au 49-3.

Vidéo de la séance publique de l’Assemblée nationale mardi 25 octobre 2022 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Trois 49-3 pour un projet de loi

A trois reprises, Elisabeth Borne a usé du 49-3 pour valider l’ensemble du projet de loi. Il restait pourtant encore plus de 1 000 demandes de modifications à examiner. Sans l’utilisation de cet instrument constitutionnel, le projet de loi aurait dû être présenté ensuite au Sénat jusqu’au 11 novembre. Pour une promulgation avant le 31 décembre. Mais cet agenda parlementaire a été perturbé par la décision du gouvernement. Les sénateurs vont toutefois pouvoir l’étudier. Mais l’Assemblée nationale devra ensuite réexaminer leurs modifications éventuelles. Et Elisabeth Borne aura alors de nouveau la possibilité d’« engager la responsabilité de son gouvernement »…  

Quelques-unes des mesures présentes dans le PLFSS 2023

  • Une quatrième année d’internat

L’internat de médecine générale, qui durait jusqu’à présent trois ans, sera complété par une quatrième année. Le projet de loi indique que « pour favoriser les installations (…) dans les déserts médicaux, les stages en pratique ambulatoire seront proposés en priorité dans des zones où la démographie médicale est sous-dense ».

  • Des consultations de prévention aux « âges-clés »

Le PLFSS précise également que trois consultations gratuites seront proposées à 25, 45 et 65 ans, dans le cadre d’un suivi préventif de santé.

  • La prise en charge intégrale de la contraception d’urgence

Désormais, la « pilule du lendemain » sera accessible sans ordonnance et intégralement remboursée. Toutes les femmes pourront se la procurer directement en pharmacie.

  • Faciliter le dépistage des infections sexuellement transmissibles

Cette mesure est destinée aux moins de 26 ans. Pour cette tranche d’âge, le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) sera possible en laboratoire sans ordonnance et il fera l’objet d’un remboursement intégral.