Bioéthique : ça avance

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PMA pour toutes les femmes, facilitation des tests génétiques, assouplissement des lois régissant l’anonymat des donneurs de gamète, évolution des dispositions concernant la recherche sur l’embryon : c’est une petite révolution qui est proposée par ce rapport qui a été approuvé par 16 des 20 membres de la mission parlementaire. « Ce sera la modification la plus importante depuis le début de la bioéthique », a estimé Jean-Louis Touraine en conférence de presse.

Notons, en préambule, que ce document constitue la dernière contribution majeure à la future révision des lois de bioéthique, après le rapport du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE), élaboré dans le sillage d’une consultation publique et l’avis du Conseil d’Etat.

Pour Jean-Louis Touraine, l’enjeu est fondamental : « il s’agit de choisir la société dans laquelle nous vivrons demain, de dessiner la condition humaine à laquelle nous consentons à nous soumettre ».

Encore une voix « officielle » en faveur de la « PMA pour toutes »

Sans surprise, la PMA pour toutes les femmes, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, est défendue dans le rapport après avoir déjà reçu, au cours des derniers mois, l’aval du Conseil d’Etat et du CCNE.

Au nom de « l’égalité des droits », la mission d’information parlementaire plaide également pour que toutes les femmes bénéficient des mêmes modalités de remboursement par la Sécurité sociale. Corolaire, selon les députés de la mission, de l’élargissement de la PMA, il sera nécessaire de lever l’interdiction de la procréation post-mortem « qu’il s’agisse de l’insémination ou du transfert d’embryon ». Mais, en matière de PMA, le rapporteur va encore plus loin et  préconise un changement qui, s’il était adopté, aurait des conséquences pour l’ensemble de ceux qui y ont recours.

Vers une inscription du mode de procréation dans l’état-civil ?

Ainsi, Jean-Louis Touraine et ses collaborateurs  veulent « instaurer un mode unique d’établissement de la filiation à l’égard des enfants nés de tous les couples bénéficiaires d’un don de gamètes, fondé sur une déclaration commune anticipée de filiation ».

Au moment de la déclaration de naissance, les parents devraient donc transmettre à l’officier d’état civil une « déclaration commune anticipée » rédigée devant notaire avant l’acte de PMA. Un changement qui serait spectaculaire : le fait d’être né par PMA serait ainsi inscrit sur l’acte de naissance intégral de l’enfant. Néanmoins, cette information ne serait accessible qu’à la majorité. Une solution qui « fait perdre aux couples hétérosexuels la possibilité de ne pas révéler à leur enfant son mode de conception ».

Toujours en lien avec la question de la connaissance de ses origines, Jean-Louis Touraine se dit favorable à ce que les enfants nés d’un don puissent, après l’âge de 18 ans, accéder dans tous les cas à des informations « non-identifiantes » et en cas de son consentement express à l’identité du géniteur. Il suggère à cet effet la création d’un organisme consacré aux demandes d’accès à des informations sur ses origines.

Reconnaître les enfants nés « légalement » par GPA à l’étranger

Encore sur la filiation, mais dans un autre cadre, Jean-Louis Touraine et ses collaborateurs veulent « permettre la reconnaissance de la filiation à l’égard du parent d’intention pour les enfants issus d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger, dès lors qu’elle a été légalement établie à l’étranger ». L’objectif est de « conférer un statut à l’enfant », tout en réitérant l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA) en France. Néanmoins, les membres de la mission n’excluent pas totalement une réflexion sur le sujet. Ils remarquent en effet : « pour la PMA pour toutes, nous disposons du recul nécessaire sur les effets chez nos voisins qui l’autorisent, comme la Belgique. En revanche, pour la GPA, il est préférable de rester prudents, et d’observer ce qui se passe dans les pays qui l’autorisent de façon très encadrée et totalement altruiste »…

Etendre l’autoconservation des ovocytes…et beaucoup d’autres choses

Autre recommandation phare, qui s’inscrit dans l’air du temps et après le revirement du CCNE : l’extension à toutes les femmes de l’autoconservation des ovocytes, aujourd’hui uniquement possible pour les femmes devant recevoir des traitements pouvant affecter la fertilité et sous certaines conditions aux donneuses d’ovocytes.

Concernant les recherches sur les embryons surnuméraires, c’est le même vent qui souffle : la mission recommande en la matière un net assouplissement des règles. Elle propose ainsi « d’autoriser les recherches sur les cellules germinales, portant sur les embryons qui ne feront jamais l’objet de transfert » et suggère « la levée de l’interdit portant sur la création d’embryons transgéniques afin de favoriser la recherche scientifique ».

Sur la question des tests génétiques, le rapport parlementaire se montre partisan d’un dépistage préconceptionnel très large (et non plus réservé à la recherche de quelques maladies graves) et propose aussi d’étendre fortement les possibilités de diagnostic préimplantatoire.

Autre volet, celui du don d’organes, alors que l’année 2018 a été marquée par un recul de l’activité de prélèvement et de greffes : la mission recommande de permettre un « don du vivant altruiste » en faveur d’un inconnu, et cela de façon anonyme, alors qu’aujourd’hui on ne peut donner un organe qu’à un proche.

Enfin, le rapport succombe aux sirènes de l’intelligence artificielle, insistant néanmoins sur ses risques. Le rapport suggère ainsi de créer un comité chargé de traiter les questions éthiques liées au développement de cette nouvelle technologie.

Prochaine étape, des « ateliers » seront proposés aux parlementaires autour des grands thèmes de bioéthique avant une présentation du texte de loi en conseil des ministres au premier semestre 2019, suivie d’un examen par l’Assemblée nationale en vue d’une adoption avant la fin de l’année et au plus tôt avant l’été…