Arthrose : le point avec le Pr Berenbaum, rhumatologue

Médecin montrant sur un pantin en bois, les articulation atteintes par l'arthrose
La douleur n'est pas une fatalité en cas d'arthrose 123RF©

L’arthrose touche un Français sur dix. Elle ne cesse de progresser et n’est pas l’apanage de la vieillesse. Mais la recherche avance et la douleur n’est plus une fatalité. Entretien avec le professeur Berenbaum, chef du service de rhumatologie de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, directeur d’une équipe de recherche à l’Inserm.

Quel est le mécanisme de l’arthrose ?

L’arthrose est une maladie articulaire qui conduit à la destruction du cartilage d’une articulation. Mais elle concerne tous les tissus de l’articulation : le cartilage, l’os sur lequel s’appuie le cartilage et la membrane synoviale qui entourent les articulations.

Elle est issue de phénomènes biologiques au niveau de ces divers tissus, produisant de l’inflammation. Elle est la deuxième cause d’invalidité dans les pays industrialisés.

Elle se manifeste par des douleurs et des raideurs, et parfois par une inflammation et/ou une accumulation de liquide dans la cavité articulaire (épanchements). Elle peut engendrer un handicap majeur, avec une perte de mobilité, augmentant ainsi la mortalité cardiovasculaire de 50% du fait de la vie sédentaire qu’elle engendre. Ce n’est pas une « maladie de vieux », elle touche aussi certains patients avant 40 ans.

Quelles sont les articulations les plus touchées ?

Pr Berenbaum : Les articulations les plus souvent atteintes par l’arthrose sont celles des des genoux puis des hanches et des mains. L’arthrose de la colonne vertébrale est quant à elle fréquente chez les 65–75 ans, mais elle reste le plus souvent silencieuse.

On en connait les causes ?

Pr Berenbaum : Oui, l’âge, le surpoids, les maladies métaboliques (diabète, hypertension artérielle, dyslipidémies) les traumatismes, la génétique.

Quels sont les traitements ?

Pr Berenbaum : Le premier traitement est non médicamenteux. Comme perdre du poids en cas d’obésité, avoir une alimentation équilibrée, pratiquer une activité physique (sauf au moment des poussées inflammatoires). Les séances de kinésithérapie sont très souvent prescrites pour aider à la reprise de cette activité physique avec des exercices encadrés. En cas de poussée inflammatoire, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), par voie orale ou locale soulagent.

Linfiltration de corticoïdes, qui consiste à injecter un puissant anti-inflammatoire directement dans l’articulation. L’effet dure quelques semaines.

Linjection d’acide hyaluronique, on injecte localement un produit visqueux dont la composition est proche de celle du liquide synovial physiologique. Elle fonctionne pour certains patients même si on ne connait pas exactement la part de l’effet placebo dans ce résultat. Cela explique pourquoi elle n’est pas remboursée par la sécurité sociale.

L’arthroplastie (pose d’une prothèse) : efficace surtout pour la hanche et le genou. Durée de vie de 15 à 20 ans. L’arthroplastie permet le plus souvent d’améliorer nettement la qualité de vie et la motricité des patients même si on ne comprend pas pourquoi 20% des patients ayant eu une prothèse totale de genou continuent d’en souffrir après

Et les nouveaux traitements ?

Pr Berenbaum : La recherche avance. On sait maintenant qu’il n’y a pas une mais des arthroses. Actuellement, on cherche à phénotyper les arthroses mais aussi le type de douleurs pour pouvoir proposer un traitement personnalisé au patient. La recherche va  s’accélérer car l’Agence chargée d’autoriser la commercialisation des médicaments aux Etats-Unis (FDA), a classé l’arthrose comme « serious disease » (maladie grave) et donc ouvert la porte à l’accélération du développement clinique.

Nous travaillons avec mon équipe de recherche à Sorbonne Université, sur l’utilisation du liraglutide, un analogue de l’hormone GLP-1, qui fait partie d’une une famille de médicament déjà utilisés avec succès dans le diabète de type 2 et l’obésité. Nous nous sommes aperçus qu’en injection dans l’articulation, ils avaient des propriété anti arthrosiques étonnantes, du fait de la présence de récepteurs pour cette hormone dans les différents tissus de l’articulation. La phase 1 de l’étude clinique est en cours chez des personnes souffrant d’arthrose du genou, avec une phase 2 prévue pour 2024.

D’autres études sont en cours comme celles portant sur une molécule qui vise la régénération du cartilage, le LNA043 (Novartis).

Toutes ces études apportent de l’espoir aux équipes médicales et aux patients mais il faut des financements. Un Plan national Maladies ostéoarticulaires permettrait indéniablement de donner un vrai coup d’accélérateur pour apporter le plus vite possible une solution à ces millions de personnes qui en souffrent au quotidien.