Dans son discours de clôture du 43e congrès de la Mutualité Française, Eric Chenut a interpellé le gouvernement sur l’urgence de réformer le système de soins. Et de revoir également la fiscalité pensant sur les complémentaires santé, qui empêche les mutuelles de développer plus de centres de santé et de services d’accompagnements mutualistes.
« Atteindre une société plus juste, plus solidaire, plus humaine. » En clôture du 43e congrès de la Fédération nationale de la Mutualité Française (FNMF), son président dessine déjà les ambitions de la prochaine édition de 2025. Devant 2 000 mutualistes réunis au Parc Chanot à Marseille, Eric Chenut a interpellé le ministre de la Santé. François Braun est présent dans la salle en cette matinée du 9 septembre 2022. Un déplacement attendu dans un congrès marqué par l’absence du président de la République.
« Je fais un rêve Monsieur le ministre »
« Je fais un rêve Monsieur le ministre. Que dans trois ans, à l’ouverture de notre prochain congrès (…) nous puissions contribuer, tous ensemble, à des jours plus heureux pour tous dans notre pays. » Eric Chenut a rappelé le rôle de la mutualité dans la concrétisation de cette « société apaisée ». Grâce aux « mutualistes engagés pour le bien-être psychique, social, environnemental (…). A l’heure où certains préfèrent édifier des murs. Prospérer sur les peurs, les replis, l’exclusion… Nous privilégions d’emprunter des ponts qui relient, (…) pour faire émerger des consensus. Et ainsi faire société. »
Une réforme profonde du système de santé
Puis, le président de la FNMF s’est fait plus incisif. Il a souligné l’urgence « d’engager une réforme systémique profonde. (…) De repenser le sens, l’essence même des protections sociales. » La confiance des Français en dépend, selon lui. Il faut répondre aux « colères exprimées ». Des déserts médicaux à la crise des métiers du secteur médico-social, les sujets d’inquiétude sont nombreux. Et les services publics « en recul ». Le seul moyen d’y remédier, a insisté Eric Chenut, est « d’investir dans les systèmes. (…) D’accepter de dépenser plus pour dépenser mieux. C’est ce que nous attendons du prochain PLFSS (ndlr : Projet de loi de financement de la sécurité sociale) ».
Le silence du gouvernement sur la question du financement
Aucune information d’ordre financier n’a pourtant été donnée par le ministre. A son tour, François Braun a pourtant repris chacune des difficultés énoncées précédemment. Les « inégalités d’accès à la santé », le malaise des professionnels de santé, l’insuffisance de la prévention… Mais rien sur le budget que l’Etat compte y consacrer. Sur le sujet de la réforme du système de santé et de protection sociale, le ministre est d’accord. Pour lui, c’est d’ailleurs « tout l’enjeu du Conseil national de la refondation », lancé par Emmanuel Macron la veille.
Aucun calendrier arrêté
Puisqu’il avait fait le déplacement à Marcoussis pour le premier jour des échanges, Eric Chenut a donné son sentiment sur le CNR. « Nous sommes parvenu à nous faire entendre », a-t-il annoncé en amorce de son discours. Le président de la FNMF a ainsi salué la prise en compte des attentes exprimées, notamment sur les inégalités. En appuyant également sur la considération accordée aux mutuelles, « après tous les doutes dont elles ont fait l’objet au moment des débats sur la Grande Sécu »… Interrogé par les journalistes à ce propos, Eric Chenut a toutefois précisé que le calendrier des négociations n’était pas arrêté. Et que le volet financier n’avait pas non plus été abordé.
Taxation des mutuelles
Dans son discours, François Braun a fait également le vœu d’une collaboration étroite avec la mutualité. « Après la crise que nous venons de traverser nous devons nous rassembler. Et le mouvement mutualiste compte parmi les acteurs les plus concernés. » Le ministre est même allé plus loin en soulignant le rôle central des mutuelles. « Cette année, plus que jamais, (la) projection à long terme qui est dans l’ADN du mouvement mutualiste est vitale. » Malgré ce souhait affiché de coopération, le représentant du gouvernement a fait la sourde oreille sur les interpellations d’Eric Chenut concernant la taxation des mutuelles.
Une réglementation pénalisante
« La fiscalité qui pèse sur les complémentaires santé en France est bien plus lourde que dans beaucoup de pays européens, a précisé le président de la Mutualité Française. Comment expliquer que ces taxes représentent plus de cinq milliards, alors que, dans le même temps, des multinationales n’acquittent aucun impôt dans notre pays ? Ce d’autant plus que les actions menées par les mutuelles le sont à titre non lucratif. » Pour ce dernier, la réglementation européenne en vigueur pour les mutuelles les « pénalise » dans leurs investissements. Notamment en ce qui concerne « les crèches, les établissements pour personnes âgées dépendantes, les centres de santé… »
Vote de la résolution
Le sujet de la taxation des complémentaires santé figure d’ailleurs dans le projet de résolution présenté par la FNMF. Envoyé à tous les groupements adhérents de la fédération en amont du congrès, le texte était soumis au vote en cette matinée de clôture. Si le terme de « lucrativité limitée » a suscité des réactions dans l’assistance, la résolution a toutefois été adoptée à une très large majorité. Sur ce point précis de terminologie, Eric Chenut a fait savoir aux journalistes, à la fin du congrès, que « la question serait retravaillée s’il n’y avait pas de consensus. »