«Nos patients veulent simplement vivre dignement » Antoine Ricard, président du Centre Primo Levi

Antoine Ricard @CyrilEntzmann
Antoine Ricard, Avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles a été élu président du centre Primo Lévi. Paris, 20 décembre 2019. @CyrilEntzman
Antoine Ricard, avocat, est président du centre Primo Levi, dédié au soin des victimes de torture et de violence politique réfugiées en France. Vous êtes président du centre Primo Levi. Quelle est sa mission ?  Antoine Ricard : Il s’agit de la plus importante structure en France dédiée aux personnes réfugiées victimes de tortures. Le centre a été créé en 1995 par des Ong (1), dans le contexte de la guerre en Bosnie, du génocide rwandais et juste après les années noires en Algérie. C’est une association reconnue d’intérêt général qui accueille chaque année 400 personnes originaires de 40 pays. Actuellement, beaucoup viennent de Guinée-Conakry, de Tchétchénie et de République démocratique du Congo. Un pays sur deux dans le monde pratique la torture. Ces personnes bénéficient d’une prise en charge pluridisciplinaire psychologique, médicale, kinésithérapique, sociale et juridique. Les populations que nous recevons sont dans une très grande précarité. Pourquoi avoir donné le nom de Primo Levi à ce centre ? A. R. : Les fondateurs avaient eu l’intuition – qui s’est depuis vérifiée – que, pour se reconstruire, les victimes de violence avaient besoin non seulement de soins mais aussi de la possibilité de témoigner. Or, Primo Levi, rescapé des camps nazis, est sans doute l’un de ceux qui a le mieux témoigné dans ses livres,des violences politiques et de l’importance d’en faire le récit. L’originalité du centre est qu’il propose aux patients une écoute psychanalytique, sur plusieurs années si nécessaire. Les cliniciens savent à quel point la violence déconstruit l’être humain. Aussi un grand travail est mené autour du recueil de la parole. Car, pour reprendre sa place d’homme, il faut pouvoir reprendre la parole, condition sine qua non pour retisser les liens détruits par la violence. Pour cela nous travaillons avec des interprètes professionnels. Quel est le statut de vos patients ?  A. R. : Certains sont demandeurs d’asile, d’autres sont régularisés, d’autres déboutés. Tous sont des « grands brûlés psychiques » qui ont subi des violences et des persécutions, que ce soit dans leur pays d’origine, durant leur parcours ou à leur arrivée en Europe. Car, malgré quelques initiatives politiques, ces personnes ne sont pas bien accueillies. « Sans droits, sans toit, sans travail, sans lien social, ils sont trimbalés d’un lieu à l’autre, d’un dispositif à l’autre ; des situations que Kafka et Orwell réunis n’auraient pas osé imaginer… » Or, finalement, que veulent nos patients ? Pouvoir simplement se réparer et vivre dignement dans un endroit paisible. Les différentes annonces sur le durcissement de l’accès à l’Ame (2) ou à la Puma (3) vont-elles impacter vos patients ?  A. R. : Ces différentes mesures vont avoir un impact négatif pour certains de nos patients, c’est clair. De manière plus générale, nous avons, au sein de notre association, une conviction : plus une personne est fragile, vulnérable, plus elle a besoin d’être soutenue, étayée. Dès lors, elle doit bénéficier de soins du plus haut niveau de qualité possible, de manière simple et rapide. Or, c’est exactement l’inverse qui

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