Le Pr René Frydmann appelle à légaliser la Pma

PMA pour toutes les femmes, droit famille, France, ©123 RF
PMA pour toutes les femmes, droit famille, France, ©123 RF

Le professeur René Frydman appelle dans son manifeste « Le droit de choisir » à légaliser la procréation médicale assistée (Pma) et à « l’autorisation encadrée de l’analyse génétique de l’embryon ».

Le professeur René Frydman vient de publier un livre-manifeste, intitulé « Le Droit de choisir » [fn]Le droit de choisir : manifeste des médecins et biologistes de la procréation médicale assistée, du Pr René Frydman, éd. du Seuil, 9,99 euros.[/fn], version « longue et argumentée » de l’appel des 130 médecins publié en mars dernier. Objectif ? L’ouverture de la procréation médicale assistée (Pma) à toutes les femmes et « l’autorisation encadrée de l’analyse génétique de l’embryon ». Un appel lancé aussi en direction des candidats à la présidentielle.

Arrêter d’envoyer les femmes à l’étranger

René Frydman, célèbre pour avoir donné naissance à Amandine, premier bébé-éprouvette en 1982, s’insurge notamment contre le fait qu’aujourd’hui, les médecins sont obligés d’orienter certaines patientes vers des pays où la Pma est généralisée à toutes : l’Espagne, la Belgique. En cela, « on fait de la mauvaise médecine et on maltraite les patientes » en France, s’inquiète René Frydman. Il faut donc que la loi évolue, comme l’avait promis François Hollande en 2012. Pour l’instant, la Pma est autorisée pour les couples français hétérosexuels infertiles, mais pas pour les femmes seules et des lesbiennes.

La procréation médicalement assistée (PMA) ou assistance médicale à la procréation (AMP) est encadrée par la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Son but doit être de « remédier à l’infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité ».

 

Pour bénéficier de la PMA, l’article 24 prévoit que « l’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans. » Sont donc exclus les célibataires et les couples homosexuels. Même si aucune limite d’âge n’est clairement formulée, la prise en charge par l’assurance maladie est fixée au 43ème anniversaire de la receveuse. « Il est possible de continuer après jusqu’à l’âge physiologique de la grossesse, environ 48 ans, si vous payez », expliquait René Frydman dans un entretien au Monde le 18 février 2012.

 

« Dans la fécondation in vitro, qui concerne tout de même 70.000 tentatives par an, 60 à 70% des embryons ne vont jamais se développer. C’est énorme. Il faut savoir pourquoi on est confronté aujourd’hui à des problèmes d’infertilité qui semblent plus importants que dans le passé. Plus on avance en âge, moins il y a d’embryons qui vont s’implanter et devenir des bébés. On peut dans certaines circonstances essayer de comprendre pourquoi mais pour cela, il faut analyser les embryons avant de les transférer pour ne pas faire des congélations inutiles, des transferts inutiles qui vont aboutir à des échecs, à des pénibilités et aussi à des fausses couches. Mais nous n’avons pas le droit de le faire. La question est donc de savoir pourquoi on n’a pas le droit de le faire avant d’implanter des embryons alors que parmi les 800.000 femmes qui vont être enceintes chaque année, elles ont le droit de rechercher si l’enfant qu’elles portent au stade de trois mois a tout ce qu’il faut sur le plan chromosomique ou pas. Et cette possibilité est autorisée une fois enceinte, mais elle n’est pas autorisée avant pour ces patientes à risque. C’est une première incohérence.

« Deuxième incohérence : beaucoup de femmes viennent avec un désir d’enfant tardivement pour différentes raisons. Et au bout d’un certain temps, les choses ne marcheront pas et donc il faut peut-être envisager des alternatives. Et parmi ces alternatives, il y a le recours au don d’ovocytes. Il faut y réfléchir. Environ 8.000 femmes par an en France souhaitent avoir recours au don d’ovocytes en y ayant réfléchi et accepté la situation. »

  • Qu’en est-il du don d’ovocyte en France ?

Pr René Frydman : « Notre législation ne prévoit pas de rémunération, elle indemnise. Le vrai problème c’est qu’on ne fait pas suffisamment de campagnes pour le don d’ovocytes. Beaucoup de femmes sont généreuses, elles ont bénéficié éventuellement de traitements… mais elles ne sont pas accompagnées et ce don n’est pas favorisé. La moitié des centres de fécondation in vitro ne peuvent pas faire de dons, ce sont des centres privés. La législation française ne les autorise pas à faire de dons d’ovocytes. Quelques centres publics sont autorisés à faire des dons d’ovocytes. De plus, tout le monde ne peut pas faire de campagnes d’information sur le don pour les femmes, pour le public. Il faut que ce soit l’Agence nationale qui fasse une campagne nationale qui attire l’attention durant un moment puis s’estompe au cours de l’année.

« Le comble et l’incohérence, c’est que les femmes qui partent à l’étranger car il n’y a pas suffisamment de donneuses en France vont être remboursées par la Sécurité sociale française d’une part de leurs démarches à l’étranger (5.000 – 6.000 euros), elles seront remboursées jusqu’à 1.500 euros pour un acte qu’il est interdit de faire dans ces conditions en France.

« Troisième incohérence, des femmes seules n’ont pas le droit en France de décider de leurs propres ovocytes. Des femmes relativement jeunes de 33-35 ans qui n’ont pas encore de prince charmant ou qui ont d’autres choses en vue, savent que la fertilité baisse avec l’âge et elles pourraient avoir envie à mettre des ovocytes de côté. Mais nous n’avons pas cette possibilité en France. On a le droit uniquement si on a le cancer. Dans ce cas, on peut préserver vos ovocytes. Ou alors on peut préserver vos ovocytes si vous souhaitez donner en même temps. »

Pr René Frydman : « Non, ces débats et ces manifestations ne m’inquiètent pas si on pose tous les problèmes. Il faut évoquer et parler des problèmes de société. Or, on est en train de passer du médical au sociétal, c’est-à-dire qu’on a de plus en plus de demandes qui ne  sont pas forcément médicales au sens classique du terme mais qui sont sociétales. Si on ne peut pas en discuter et s’il y a une omerta de peur de quelques vagues politico-médiatiques, c’est dommage car nous sommes tout de même confrontés à des femmes seules ou à des couples qui vont à l’étranger, qui sont dans la difficulté, qui déboursent et qui alimentent un commerce insupportable.

« Les médecins spécialistes dans ce domaine sont devenus des agents de circulation. On conseille et oriente des couples vers tel ou tel pays pour telle ou telle pratique… Parfois on déconseille car il y a soit de la commercialisation, soit de l’exploitation voire carrément du charlatanisme. Et ensuite, la France va récupérer et gérer ces grossesses parfois multiples avec des risques de prématurité. »

  • La décision de Donald Trump de réduire les fonds fédéraux pour les organisations internationales qui s’occupent d’avortements vous inquiète-t-elle ?

Pr René Frydman : « Oui, cette décision est inquiétante. Il existe deux lignes politiques. Et la politique va influencer sur l’exercice médical. Soit on va donner une autonomie de plus en plus grande aux individus et particulièrement aux femmes dans leur choix de maternité et du moment de la maternité, soit on impose une vision étatique pour décider ce qui est bien pour untel ou untel. Cela ne veut pas dire qu’il faut faire tout et n’importe quoi. Je suis opposé à certaines pratiques comme la grossesse pour autrui car j’estime dans ce cas qu’on franchit une ligne rouge qui est l’exploitation de femmes à ses propres fins ou la commercialisation du corps qui est une voie extrêmement dangereuse. Il faut donc être vigilant sur le plan éthique, il ne s’agit pas de faire tout et n’importe quoi. Et il faut se poser la question de savoir si telle ou telle pratique, telle ou telle recherche est délétère pour l’enfant à naître, si elle est délétère pour telle personne qui participerait de façon exploitée à tel désir d’enfant. Il faut savoir dire non. »