Charles Joseph-Oudin, avocat, défend les victimes de scandales médicaux

Charles Joseph-Oudin, avocat défend les victimes de scandales médicaux comme la Dépakine 123RF©

Charles Joseph-Oudin, trente-cinq ans, avocat, défend les victimes de scandales médicaux : Mediator, Dépakine, implants Essure… Pour lui, c’est une affaire d’engagement personnel.

 

Pourquoi avoir choisi de défendre les victimes de scandales médicaux ?

Charles Joseph-Oudin : Je viens d’une famille de médecins. Un jour, j’ai rencontré Irène Frachon, qui m’a parlé du scandale du Mediator [fn]Utilisé comme coupe-faim, cet antidiabétique a causé des maladies pulmonaires et cardiaques graves.[/fn]. J’ai été abasourdi par la souffrance des victimes et le déni de responsabilité des laboratoires. Depuis, d’autres scandales de santé publique ont été médiatisés. Actuellement, je m’occupe, entre autres, des victimes de la Dépakine [fn]Anti-épileptique nocif sur les enfants à naître.[/fn] et des implants Essure[fn]Contraception définitive aux effets secondaires très lourds, dont la commercialisation a été arrêtée en septembre[/fn] .

Dans presque tous ces dossiers, il y a, au départ, un lanceur d’alerte ?

En effet. Sans eux, il ne se passerait rien. Grâce à eux, il y a une cohérence dans l’action. Ils, ou plutôt elles – ce sont souvent des femmes, victimes ou médicalement impliquées – font un travail de lobbying auprès des autorités publiques pour faire cesser le problème ou améliorer la prise en charge, voire obtenir un fonds d’indemnisation. Elles contribuent à la médiatisation, un levier indispensable qui, selon mon expérience, n’est jamais nuisible. Car on a face à nous des autorités de santé, des industriels qui ne réagissent qu’à des questions d’image. Sans les lanceurs d’alerte, on ne pourrait pas avoir cet impact. Nous travaillons main dans la main, comme de vrais partenaires.

Quel est l’enjeu pour les victimes ?

D’abord, faire cesser un comportement immoral… Ensuite, quand il y a beaucoup de victimes et quand la situation est grave, il y a l’indemnisation. 90 % des montants demandés visent à améliorer le quotidien, à ne pas être obligé de mendier des aides… Mais l’argent n’éteint pas tout. Certaines victimes refusent d’arrêter les procès, malgré l’indemnisation, car ils veulent la reconnaissance symbolique d’une culpabilité.

Les labos ont-ils indemnisé les victimes ?

Dans l’affaire du Mediator, oui, mais imparfaitement, et après de nombreuses difficultés. Dans les autres dossiers dont je m’occupe, non. Il y a un travail à faire par le législateur. Il faut faire accepter aux labos de financer les dommages causés par les produits qu’ils vendent. On ne peut plus tolérer que les industriels gagnent des centaines de millions d’euros en vendant des médicaments, et que, lorsqu’il y a un problème, ils se défilent. Le législateur doit aussi améliorer et simplifier les procédures judiciaires, car le nombre des contentieux est très important. Et cela ne va pas s’arrêter : on l’a vu encore récemment avec la nouvelle formule du Levothyrox [fn]En mars, une nouvelle formule avait provoqué de nombreux effets secondaires indésirables…[/fn]

Pourquoi les labos n’assument-ils pas leurs responsabilités ?

En France, les indemnités sont dérisoires et n’ont donc aucun effet dissuasif. Il en va de même pour les autres sanctions. Les labos ne craignent ni la justice, ni les autorités de régulation et continuent à vendre leur marchandise. Je suis convaincu que si, dans l’affaire du Mediator, Servier avait fait preuve d’humilité au départ, on aurait éteint l’incendie. Il n’y aurait jamais eu de scandale. Très naïvement, je croyais que, au moment du scandale de la Dépakine, Sanofi allait entrer en discussion avec nous… Mais pas du tout ! Et aujourd’hui c’est un énorme scandale avec des milliers de victimes.

Que faire pour que les choses changent ?

Il faut un changement en profondeur, mettre en place des garde-fous et sortir d’une logique de faute pour entrer dans une logique de risque : tout médicament peut avoir des effets indésirables. Et quand c’est avéré, le fabriquant doit payer. S’il ne le fait pas, les autorités retirent le médicament du marché. Mais il faut réformer vite car plus le temps passe, plus c’est dur pour les victimes.

Bio express

2009 Charles Joseph-Oudin est inscrit au barreau de Paris

2010 Rencontre avec Irène Frachon, affaire du Mediator

2016 Affaire de la Dépakine 

2017 Implants Essure

Il défend aussi les victimes du vaccin contre la grippe A (H1N1) et du dentiste de Château-Chinon.