Cancer du sein : portrait d’une combattante

Sylvie Rouxel DR
Sylvie Rouxel DR

Elle a quarante-sept ans lorsqu’on lui diagnostique un cancer du sein. Une tumeur en forme de dinosaure qui nécessite une mastectomie. Très vite, Sylvie décide de se battre. Itinéraire d’une résistante qui n’a jamais voulu entrer dans le corps d’une malade.

Elle a l’allure frêle et délicate d’une danseuse, mais son mental est celui d’une combattante. Pourtant, elle se souvient de ce jour de 2015 : « Lorsque j’ai appris que j’avais un cancer du sein, j’ai été assommée par la nouvelle, comme soufflée par une bombe. » Sylvie, la petite cinquantaine rugissante, raconte son parcours, sans pathos. « J’ai été prise en charge à l’hôpital Tenon à Paris. Très vite, j’ai su qu’il fallait que je sois active, je n’ai jamais voulu rentrer dans le corps d’une malade. »

La forme de la tumeur nécessite une mastectomie. Après l’opération, elle comprend tout de suite que « les choses ne seraient plus jamais comme avant ». Alors que le corps médical la pousse à rentrer dans la norme, elle lutte. Elle refuse les solutions qu’on lui propose, la reconstruction mammaire, des soutiens-gorge qui reproduisent le sein manquant, il lui faut du temps pour encaisser.

Rentrer en résistance

Elle résiste, trouve des parades, compose avec la nouvelle réalité : pas de chemisiers à pince ou de vêtements trop moulants. Elle prend contact avec l’association les Amazones. « J’étais proche de leur combat. En France, on a une vision très stéréotypée des femmes. Dans les pays scandinaves, les femmes sont moins systématiquement mises dans des cases. Je suis restée un moment en colère contre l’institution médicale. »

Après l’ablation du sein, le chemin est long. Elle se propose pour rentrer dans un protocole de recherche à l’Institut Curie. Chimio, puis radiothérapie. « J’ai compris toute la signification et la portée du mot « patient ». Attendre, voilà ce qui nous est donné à vivre. J’ai appris la patience. Ce qui m’a permis d’entreprendre mon chemin de reconstruction, mentale et physique. Faire le deuil du sein. Et cheminer pour reconquérir ma nouvelle féminité. » Une renaissance, pour elle qui a été élevée comme un garçon.

Au bout du chemin

Puis la décision de passer par la reconstruction du sein manquant s’est fait jour. Une autre aventure douloureuse se dessine mais avec l’espoir au bout. Sylvie est une coriace. « Je n’ai jamais été dans la plainte, j’ai gardé mon énergie pour me battre et croire que tout était possible. J’ai un caractère optimiste. Jamais je n’ai pensé que j’allais mourir. »

Elle continue à travailler en aménageant ses horaires. « Le travail m’a sauvée, j’ai reçu de la part de mes collègues un soutien qui m’a donné du courage. » L’entourage aussi a été présent : sa belle-sœur passée par la case cancer a été d’un soutien indéfectible.

« Le couple, la famille, l’entourage complet en prend un coup. Chacun a sa façon de vivre l’épreuve. Ils ont eu plus peur que moi. Une façon de se protéger, je crois. »

La thérapie l’aide à mettre des mots sur sa colère. « Je ne voulais pas me laisser bouffer par la maladie. Je voulais vivre chaque étape. Je me suis investie 100 % dans la bataille, comme pour tenir la maladie à distance. Et les émotions négatives loin de moi.»

Re-naissance

Aujourd’hui, Sylvie va bien. Chevelure argentée, visage orné de pendentifs, silhouette moulée dans une petite jupe courte sur des collants fantaisie : difficile de déceler les traces du crabe sur elle. « Je travaille ma féminité. J’en profite », dit-elle dans un sourire.

Sylvie met en place de nouveaux projets professionnels, a même repris le théâtre, sa passion de jeunesse. « Et la couture ! » précise-t-elle. Pour continuer à réparer, sans doute.