Le deuxième grand concert solidaire, organisé à l’initiative des Mutuelles de France au profit de l’ONG, aura lieu le 5 octobre 2024 au Dock-des-Suds de Marseille. L’occasion de revenir avec Fabienne Lassalle, directrice générale adjointe de SOS Méditerranée, sur les défis du sauvetage en mer, à l’heure d’un durcissement des politiques migratoires en Europe.
En 2022, François Thomas, président de SOS Méditerranée évoquait le chiffre de 19 500 morts en Méditerranée depuis 2014. Quel est le bilan pour 2023 ?
Fabienne Lassalle : On parle de 3 155 morts, dont 2 526 en Méditerranée centrale, la zone dite du « couloir de Sicile » située entre la Libye, l’Italie et la Tunisie, qui reste l’axe migratoire le plus mortel en Méditerranée, et dans le monde. C’est l’année la plus meurtrière depuis 2017. Du côté des sauvetages, l’Ocean Viking a secouru 2 299 personnes en 2023.
Comment expliquez-vous cette hausse ?
F. L. : Par le désengagement des Etats européens, qui n’ont de cesse de criminaliser et d’empêcher les ONG de mener à bien leurs missions de sauvetage.
Le 2 janvier 2023 est entré en vigueur en Italie le décret Piantedosi, qui vise à éloigner les navires de sauvetage des zones de détresse. Quel impact pour l’Ocean Viking ?
F. L. : Cela a fait énormément de mal. Les navires sont envoyés très loin, dans le nord de l’Italie, pour débarquer. Depuis janvier, l’Ocean Viking a dû effectuer 66 jours supplémentaires de transit, ce qui représente 561 000 euros dépensés en carburant inutilement. Et autant de jours où nous ne sommes pas sur la zone de détresse pour secourir les personnes.
Outre les détentions arbitraires, l’Ocean Viking a essuyé des tirs des garde-côtes libyens…
F. L. : En effet, nos équipes ont été confrontées à des agressions à l’arme à feu. Nous ne sommes pas les seuls, d’autres ONG sont concernées. La situation sécuritaire est extrêmement préoccupante. Un autre impact délétère des politiques migratoires est l’externalisation de la gestion des frontières vers les pays tiers.
L’Europe finance la Libye pour qu’elle empêche les départs. Les gardes-côtes interceptent les personnes qui cherchent à fuir et les ramènent dans des centres de détention où elles subissent les pires sévices.
Quel est le dispositif de santé mis en place à bord ?
F. L. : Il y a une équipe médicale avec un médecin, deux infirmiers et une sage-femme. Les situations que nous avons à traiter sont des cas d’hypothermie, de déshydratation et de brûlures causées par le contact prolongé avec le mélange de fuel et d’eau salée, extrêmement corrosif.
L’année 2023 fut celle d’un triste anniversaire, celui des dix ans du naufrage de Lampedusa survenu le 3 octobre 2013, qui fit 368 morts. Quel regard portez-vous sur la décennie écoulée ?
F. L. : Le constat est sombre. La situation, bien que dénoncée et connue, ne cesse de se détériorer avec toujours moins de volonté de mettre des moyens. Dans le Pacte sur la migration et l’asile voté en mai, il n’y a aucune mention sur le sauvetage en mer.
Mais ce contexte renforce notre détermination à poursuivre notre mission, il en va de nos obligations morales et éthiques. Je crois beaucoup à la réaction dans l’action. La meilleure façon de résister, c’est d’agir.
Justement, qu’en est-il des bénévoles ?
F. L. : Récemment, les élections législatives ont déclenché de nombreux messages de soutien. Aujourd’hui, SOS Méditerranée ce sont 750 bénévoles dans 21 antennes en France. Une section jeunes a été créée récemment. En juin, elle a organisé un événement au Couvent Levat à Marseille, qui a réuni 500 participants autour d’un village associatif, de tables rondes…
Le 5 octobre aura lieu à Marseille le deuxième grand concert solidaire à l’initiative de la Fédération des Mutuelles de France. Qu’en attendez-vous ?
F. L. : Notre objectif est de pouvoir collecter 120 000 euros qui permettront de financer cinq jours en mer. Une journée en mer pour l’Ocean Viking coûte 24 000 euros. La programmation sera dévoilée le 3 septembre, et nous comptons beaucoup sur la présence d’une grande tête d’affiche du rap, qui était déjà présente l’année dernière, pour mobiliser.