Reste à charge zéro : interview de Jean-Paul Benoit, président de la Fédération des mutuelles de France

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Reste à charge zéro : interview de Jean-Paul Benoit, président de la Fédération des mutuelles de France.

Jean-Paul Benoit, président de la Fédération des mutuelles de France

La Fédération nationale de la Mutualité française estime que la mise en place du « reste à charge zéro » pourrait entraîner une augmentation de 4 à 5 % des cotisations sur les « petits contrats ». Comment cela s’explique-t-il ?

Le « Rac zéro » n’est possible que parce que les mutuelles compléteront les remboursements de la Sécurité sociale, qui resteront insuffisants même après la réforme.

Les  « garanties responsables » les moins chères sont les couvertures dites « 100 % Sécu ». Elles ne couvrent que le ticket modérateur laissé à la charge des patients par la Sécurité sociale. Elles permettent un accès aux soins ambulatoires et hospitaliers, aux examens, aux médicaments… Mais elles ne prennent pas en charge les dépassements de tarif, notamment sur les prothèses. Avec le Rac zéro, ces garanties les moins chères perdront leur label « responsable » et les bénéficiaires seront frappés d’une taxe sur leur cotisation non plus de 14 %, mais de 21 %. Et ils ne bénéficieront pas du Rac zéro ! La plupart des personnes qui souscrivent ces garanties ne le font pas par choix d’être moins remboursée mais parce qu’elles ne peuvent pas payer plus de cotisation. Donc, les moins aisés n’auront pas accès au Rac zéro et paieront encore plus de taxe que les autres. Taxer les pauvres, Coluche en avait fait une boutade : « Moins tu peux payer… plus tu payes ». Malheureusement le « nouveau monde » en fait une réalité.

La ministre de la Santé assure pourtant que les mutuelles « se sont engagées à ne pas augmenter les cotisations »…

Jupiter était président. Voici Jeanne d’Arc ministre ! Elle entend des voix. Les mutualistes se sont engagés à faire la transparence sur les effets du Rac zéro, c’est l’objet du « comité de suivi ». De plus, le gouvernement a annoncé la création d’une nouvelle taxe sur les mutuelles au 1er janvier 2019. Il reprend les mauvaises habitudes du gouvernement Sarkozy en augmentant les « recettes de poche » et en transférant des charges sur les assurés sociaux. Il veut, par exemple, augmenter de 33 % le « forfait soins coûteux » laissé à la charge du patient par la Sécu. On parle de « Rac zéro » et en même temps on augmente le Rac sur les soins les plus coûteux, dont les soins hospitaliers. Il arrive un moment où la communication, même la plus élaborée, ne peut plus dissimuler la réalité. Si l’on ajoute l’évolution du coût du risque engendré par le « Rac zéro », les cotisations vont forcément augmenter. 

La mise en place de ce dispositif gouvernemental ne risque-t-il pas de se retourner contre ceux qui ont le moins les moyens et ne peuvent pas ou ne pourront plus régler leur complémentaire ?

Les 4 millions de personnes qui n’ont pas de complémentaire n’ont rien à attendre du Rac zéro. Celles qui n’ont pas les moyens d’accéder aux garanties couvrant les dépassements, n’auront pas non plus de Rac zéro et risquent en plus de devoir payer plus de taxes. En l’état, cette réforme punit les plus pauvres. Ceux qui risquent de voir leur accès aux soins reculer, sont les retraités les plus modestes. Quand j’entends certains responsables prétendre que cette réforme va compenser les pertes de pouvoir achat des pensions, je suis estomaqué d’une telle contre-vérité. Jupiter, Jeanne d’Arc, et à présent Pinocchio !

Quelle solution préconisez-vous, au sein des Mutuelles de France, pour éviter toute obligation d’augmentation de cotisation ?

« Tous les acteurs font un effort » a dit le président de la République. Tous, sauf un : l’Etat ! Les cotisations des complémentaires sont trop chères pour de plus en plus de Français. Elles ne doivent plus augmenter. A côté de la croissance des remboursements, la cause principale d’augmentation n’est pas la hausse des frais de gestion, quoiqu’en disent des « experts », généralement autoproclamés, plus ou moins incompétents, mal intentionnés, ou les deux à la fois. Ce qui a le plus augmenté dans les cotisations ces dix dernières années, ce sont les taxes : 700 % d’augmentation de leur taux depuis 2006, une multiplication par 12 en euros ! Heureusement que les mutuelles se sont montrées beaucoup plus responsables que l’Etat en maîtrisant leurs coûts de gestion, malgré les caprices bureaucratiques et la surenchère délirante des normes prudentielles.

Maintenant ça suffit ! Les taxes doivent baisser, dans un premier temps, pour compenser le surcoût du « Rac zéro », puis disparaître. C’est à cette condition seulement que l’on pourra améliorer l’accès aux soins de tous.