L'obésité, une « maladie de la civilisation »

Le Dr Bernard Waysfeld, psychiatre et nutritionniste à Paris, membre du Groupement de réflexion sur l’obésité et le surpoids (Gros) , réagit à la publication de la dernière enquête de l’Inserm sur l’obésité et le surpoids en France.

La dernière enquête de l’Inserm révèle que : 41 % des hommes souffrent de surpoids et 15,8 % d’obésité. Pour les femmes : 25,3 % sont en surpoids et 15,6 % obèses. Que vous inspirent ces chiffres ?

Dr Bernard Waysfeld : Les chiffres de l’enquête de l’Inserm ne me surprennent pas. Ce n’est pas une  « explosion » soudaine de l’obésité. On assiste depuis un certain nombre d’années déjà à une inflation de l’obésité et du surpoids, en France et dans le monde. C’est une véritable maladie de la civilisation. Le plus intéressant à noter dans cette enquête est la corrélation entre la prévalence de l’obésité et le niveau de revenu et, d’autre part, d’observer dans quelles régions ce trouble est le plus fréquent. On connaît les causes : les plus modestes ont de réelles difficultés à bénéficier d’une alimentation saine et diversifiée qui est plus chère. Ils pratiquent moins de sport car ils ont moins accès aux équipements sportifs. La sédentarité croissante des populations, même dans les régions rurales, est en cause. Aujourd’hui, on prend sa voiture pour faire de petites distances, alors qu’avant, notamment dans les campagnes, on marchait plus.

D’autre part, le déséquilibre alimentaire (manger peu de fruits et légumes parce qu’ils sont chers), la multiplication des régimes en tout genre (sans gluten, sans viande, hypocalorique…) est à mon sens une aberration sur le plan de la santé et favorise la prise de poids.

Quels sont vos conseils de prévention ?

Dr Bernard Waysfeld : Il faut, à mon sens, interdire les régimes restrictifs, ou hypocaloriques quels qu’ils soient, car ils sont une imposture et ont pour conséquence l’effet « yoyo », c’est-à-dire que l’on perd du poids, certes, mais on en reprend autant, voire plus, après le régime. L’important est de réfléchir à la façon de s’alimenter,de ne pas se priver de ce que l’on aime, mais moduler les quantités de nourritures ingérées. Nous sommes devenus sédentaires et n’avons plus besoin de brûler beaucoup de calories. Manger plus de légumes cuits, des féculents, qui sont des sucres lents utiles à l’organisme. En revanche, on peut supprimer les calories vides que l’on trouve dans les frites par exemple, les gâteaux, les viennoiserie, le pain blanc… ou en manger de temps en temps pour le plaisir.

Il est important de repérer les enfants en surpoids dès le plus jeune âge sans les stigmatiser, leur apprendre à cuisiner, limiter le temps passé sur les écrans, les encourager à bouger le plus possible, régulièrement. Pour tous, il est recommandé de pratiquer au moins trente minutes d’activité physique par jour (environ 10 000 pas). Je rappellerais que les surcharges pondérales importantes sont irréversibles. On voit d’ailleurs que, en France, la chirurgie bariatrique (chirurgie de l’obésité morbide) est en plein essor : en 2014 on a évalué à 47 000 les interventions pour obésité.

Groupement de réflexion sur l’obésité et le surpoids (Gros). Les personnes obèses ou en surpoids, en souffrance avec leur poids ou leur comportement alimentaire sont confrontées à des difficultés complexes, le Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids regroupe des thérapeutes de toutes écoles et de toutes formations (médecins généralistes et spécialistes, psychologues, diététiciens, paramédicaux) ayant à prendre en charge des personnes en difficulté avec leur poids et leur comportement alimentaire.

Prochaine conférence grand public : « Les émotions font-elles grossir ? », le samedi 26 novembre, de 10 h30 à 12h30, Paris 6e.