Les vampires psychiques intéressent les psys

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On ne parle plus que d’eux, les pervers narcissiques et autres vampires psychiques. Qui sont-ils ? D’où sortent-ils ? Existaient-ils par le passé ? Quatre psys se sont penchés sur ces personnalités toxiques qui produisent beaucoup de dégâts sur leur entourage, et sur la santé physique et psychique de leurs victimes.

Depuis Jean-Paul Sartre, on le sait « L’enfer, c’est les autres ». Mais dans nos sociétés de plus en plus complexes, basées sur le «tout relationnel», l’adage n’a jamais été autant d’actualité. En 1998, Marie-France Hirigoyen publie le Harcèlement moral. L’ouvrage va devenir un best-seller traduit en 26 langues. La psychiatre et psychanalyste y décrit les phénomènes de harcèlement qui explosent dans les entreprises. Elle y décrypte une réalité sordide et des comportements qui semblent se répandre comme une traînée de poudre. Le succès de cet ouvrage auprès du public atteste en lui seul l’ampleur du phénomène. Des mots, des regards, des sous-entendus, des comportements peuvent aussi sûrement détruire quelqu’un que des sévices physiques et cela, en toute impunité, car ces phénomènes d’emprises sont difficiles à objectiver. Les manipulateurs, véritables prédateurs des temps modernes, savent brouiller les pistes, souffler le chaud et le froid en évoluant comme des poissons dans l’eau dans une société capitaliste qui glorifie la réussite, le pouvoir et l’argent, qui divise pour mieux régner.

Quelques années plus tard, le psychanalyste, Jean-Charles Bouchoux publie les Pervers narcissiques. L’ouvrage fait, lui aussi, un tabac. L’auteur démocratise les théories du psychiatre français Paul Racamier (1924-1996) qui, le premier, définit dans les années 1960 la perversion narcissique comme « une façon organisée de se défendre de toutes douleurs ou contradictions internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui et non seulement sans peine mais avec jouissance. L’objet de la perversion narcissique est interchangeable : rien de plus et rien de moins qu’une marionnette. C’est un ustensible. ».

On estime à 2 %, environ le nombre de pervers narcissiques, un trouble qui s’apparente à une psychose dite blanche, car elle ne s’exprime pas par des comportements ouvertement délirants.

Les conséquences sur la santé des victimes peuvent s’avérer dramatiques. L’emprise que les pervers narcissiques exercent déclenche bien souvent un état anxieux, dépressif, pouvant générer l’apparition de maladies auto-immunes. « Le pervers narcissique se nourrit de sa victime et projette sur elle sa propre folie. Il assujettit son souffre-douleur et le pousse à la dépression, à la violence, à la perversion, à la folie, à la maladie, voire dans les cas plus graves à la mort par suicide ou par accident », analyse Jean-Charles Bouchoux.

Les psys le savent bien, qui récupèrent les victimes dans des états «de stress post- traumatiques» assez similaires à ceux vécus par les victimes de guerre ou d’attentats », affirme  Jean-Charles Bouchoux qui consulte à Montpellier et à Paris. Cet état de sidération, acompagné de cauchemards récurrents, de ruminations apparaît d’ailleurs comme un indice pour les professionnels formés à ce type de prédation psychologique -attention tous les psys ne le sont pas -. Des symptômes bien particuliers qui leur permettent de mesurer que la victime ne se situe pas dans une rupture ou un conflit de travail  «classique» mais dans un processus d’abattage psychique. Car c’est bien la « mise à mort » que vise le pervers narcissique une fois qu’il s’est nourri de tout ce que pouvait lui apporter sa victime :  travail, amour, énergie, relations, argent et qu’il n’a plus rien à piller. Mais avant de la laisser pour morte, sur le bord de la route, vidée de toute son énergie vitale, le pervers narcissique aura déjà «ferré» une nouvelle proie riche de victuailles narcissiques dont il pourra à nouveau s’emparer.  Tel un vampire ou une hyène, celui ci n’a qu’un objectif : remplir boulimiquement et avec avidité son vide intérieur, sorte de puit sans fond qui exige toujours plus d’objets de reconnaissances narcissiques : amour, argent, pouvoir… 

Le psychiatre Stéphane Clerget, nous parle lui aussi dans son tout dernier ouvrage de ces Vampires psychiques du quotidien et de leurs victimes hôtes. Au-delà de l’analyse, il tente de proposer de véritables stratégies de défense car « les attaques récurrentes de ces individus vampires représentent, pour l’individu qui en est victime, un danger aussi bien pour sa santé mentale que physique ».

Enfin, Eudes Séméria, psychologue clinicien et psychothérapeute, aborde, lui, la question du « harcèlement fusionnel » . Une mère possessive, un conjoint jaloux, un fils adulte qu’il faut sans cesse soutenir, une sœur instable qui menace à tout moment de « péter un plomb »… Tous ces petits tyrans du quotidien, sans atteindre le niveau de dangerosité des pervers narcissiques, manient avec dextérité emprise et sentiment de culpabilité chez l’autre, pour imposer un contrôle  du dit «faible» sur le dit «fort», instaurant une co-dépendance dont il est difficile de se défaire. La persécution n’est pas loin.

 

 

Marie-France Hirigoyen, le Harcèlement moral, Pocket.

Paul-Claude Racamier, les Perversions narcissiques, éditions Payot..

Jean-Charles Bouchoux, les pervers narcissiques : qui sont-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Comment leur échapper ?,  Pocket.

Stéphane Clerget, les vampires psychiques : comment les reconnaître, comment leur échapper ? éditions Fayard (sortie le 12 février 2018).

Eudes Séméria, le Harcèlement fusionnel, les ressorts cachés de la dépendance affective, éditions Albin Michel (sortie le 1er février 2018).