« La Sécurité sociale s’étatise»

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Pour Patrick Julou, le Plfss 2019, à la suite des précédents, poursuit une métamorphose silencieuse de notre Sécurité sociale, au détriment des assurés sociaux. 

Viva : Que pensez-vous de la fin du déficit de la Sécurité sociale annoncé par le gouvernement ?

Patrick Julou : Les efforts nécessaires au retour à l’équilibre ont été essentiellement supportés au fil des ans par les assurés sociaux, auxquels les gouvernements successifs ont imposé des hausses du forfait hospitalier, des baisses de remboursements de médicaments… Par les mutualistes aussi, via les transferts de charges : moins de remboursements de la Sécu, et plus des mutuelles. Les établissements sanitaires ont également subi une contraction des tarifs. Avec le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss), ce gouvernement, comme les précédents, s’inscrit dans une politique d’austérité. La Sécurité sociale est sommée de réaliser 3,8 milliards d’euros d’économies en 2019. L’évolution des dépenses de santé est plafonnée à 2,5 %, quand il faudrait 4,5 % pour répondre au vieillissement de la population, à l’accroissement des maladies chroniques… Le gouvernement veut réduire les déficits de l’Etat et ceux de la Sécu. Et les deux budgets sont de plus en plus fongibles. Le Plfss 2019 concrétise l’étatisation de la Sécurité sociale. Ainsi, l’Etat ne compense pas les exonérations des cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Pour la Sécu, c’est un manque à gagner de 2 milliards en 2019, de 5 milliards en 2022. Et si elle fait des excédents, ils serviront à équilibrer le budget de l’Etat, non pas à améliorer l’accès aux soins des assurés sociaux ! Nous assistons à une métamorphose silencieuse de notre système de Sécurité sociale.

Viva : Comment jugez-vous le reste à charge zéro (Rac 0) ?

PJ : Il y a des éléments positifs, mais cela reste très limité : il ne concerne que trois secteurs (optique, prothèses dentaires, audioprothèses), avec un panier de soins très encadré. En dentaire, la parodontologie, l’implantologie, l’orthodontie, les prothèses en céramique en fond de bouche ne sont pas concernées. Idem en optique pour le traitement de la lumière bleue produite par les écrans et les lampes led. Surtout, d’autres secteurs à l’origine du renoncement aux soins ne sont pas traités : les dépassements d’honoraires, les soins ambulatoires et hospitaliers… Cette réforme n’apporte pas de réponse globale à la question de l’accès aux soins. Enfin, elle exclut plus de 4 millions de personnes qui n’ont pas de couverture complémentaire.

Viva : Comment vont évoluer les cotisations mutualistes ?

PJ : Cela va peser sur les cotisations mutualistes, car le Rac 0 n’est possible que si les mutuelles complètent les remboursements. Le Rac 0 et les politiques de santé du gouvernement ont conduit le conseil d’administration de Mutami à augmenter les cotisations de nos adhérents. Et il a fallu tenir compte de la croissance de la dépense de santé par personne que nous protégeons. Chacun de nos adhérents va recevoir un courrier explicatif.

Viva : Vous êtes contre les taxes qui pèsent sur les cotisations mutualistes ?

PJ : En effet, depuis dix ans, les taxes sur les contrats d’assurances ont été multipliées par 12 ! C’est l’une des principales causes de l’augmentation des cotisations mutualistes. Elles représentent plus de 14 % des cotisations. En agissant sur les taxes et sur la fiscalité, on peut baisser les cotisations. Avec la Fédération des Mutuelles de France, Mutami porte une revendication forte : nous exigeons la suppression pure et simple, pour les mutuelles, des taxes sur les contrats d’assurance.