La Haute Autorité de santé penche pour des accouchements moins médicalisés

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L’institution publie pour la première fois ses recommandations concernant l’accouchement. L’objectif : limiter les interventions médicales superflues et instaurer le dialogue avec les patientes. 

Episiotomie, césarienne, expression abdominale… Ces pratiques, courantes en France et très variables d’une région à l’autre, ont fait l’objet de recommandations, jeudi 25 janvier, de la part de la Haute Autorité de santé (Has). C’est la première fois que l’institution communique à ce sujet à l’attention des professionnels de la naissance.

Trop d’interventions médicales. C’est ce que souligne le communiqué de la Has, qui rappelle que si la majorité des 800 000 naissances, qui ont lieu chaque année en France, relèvent d’un accouchement sans complication, elles se caractérisent souvent « par une forte médicalisation au détriment parfois des préférences des femmes et du couple ».

Les patientes désireuses d’un accouchement plus naturel

L’institution note une tendance, chez les femmes, à vouloir un accouchement plus naturel, d’où la récente création d’unités « physiologiques » au sein des maternités et de maisons de naissance – huit sont actuellement en expérimentation en France -, gérées par des sages-femmes. Elle appelle les professionnels de santé « à ajuster leurs interventions compte tenu des attentes des femmes dont l’accouchement présente un risque faible ». « Les femmes enceintes souhaitent de plus en plus bénéficier d’une prise en charge plus respectueuse de la physiologie de la naissance », assure-t-elle, en appelant à réduire « au minimum nécessaire les interventions médicales ».

L’enjeu est important. A l’été 2017, la secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa avait déclenché l’ire des gynécologues et obstétriciens en déclarant, d’après une étude menée au sein de son association, que 75 % des femmes interrogées avaient subi une épisiotomie (incision du périnée) lors de leur accouchement. Si elle s’avère parfois nécessaire en cas de complications – naissance par le siège par exemple -, elle est devenue courante pour permettre une coupure plus « nette » et éviter des déchirures plus importantes. La pratique est pourtant « responsable de douleurs, d’incontinence et de dyspareunie[fn]douleurs chroniques lors de rapports sexuels[/fn]» et a toujours été « source d’insatisfaction des usagers », selon l’association Prévention médicale.

Episiotomie et expression abdominale dans le viseur

Loin des chiffres avancés par Marlène Schiappa, la moyenne française tourne plutôt autour de 20 %, d’après la récente enquête menée par Le Monde. La bataille de chiffres aura en tout cas eu pour effet de déclencher enquêtes et témoignages pour finalement remettre cette pratique médicale en question. Depuis 1995, l’Oms recommende en effet un taux d’épisiotomie égal à 10 %. La même année, en France, la proportion de femmes subissant cette intervention chirurgicale était d’une sur deux. Aujourd’hui, l’épisiotomie est pratiquée de manière très variable : sa fréquence est, par exemple, de 2 % à la maternité du Centre hospitalier de Nanterre, contre 35 % à la clinique de la Muette, à Paris.

Ainsi, la Has préconique de ne pas rendre systématique l’épisiotomie, y compris chez les femmes qui accouchent la première fois – et dont le taux d’épisiotomie est bien plus élevé que chez les autres. « Ce recours doit se fonder sur l’expertise clinique de l’accoucheur », rappelle l’institution. Une autre pratique controversée, l’expression abdominale[fn]technique qui consiste à exercer une forte pression sur le fond de l’utérus pour accélérer la naissance[/fn], qui a été dénoncée par de nombreuses femmes, doit, elle, être abandonnée. L’autorité parle ainsi du « vécu traumatique des femmes et de leur entourage » et de « l’existence de complications, rares mais graves» pour justifier cette décision.

Des femmes « actrices de leur accouchement »

Etablir un dialogue avec la patiente, lui permettre d’exprimer ses attentes, et l’informer, de façon « claire et loyale » concernant les différentes étapes de l’accouchement ainsi que sur l’ensemble des interventions médicales possibles ou nécessaires, sont également les recommendations formulées par la Has. Et elles seraient loin d’être superflues, si l’on considère les témoignages de femmes, évoquant des interventions pratiquées sans avoir préalablement été informées. Selon Marie-Hélène Lahaye, auteure de Accouchement : les femmes méritent mieux, il existe en effet un véritable fossé entre les patientes et les gynécologues obstétriciens. « Dès lors que l’on questionne les femmes sur leurs expériences de l’accouchement, nombreuses sont celles qui font part de vexations, d’intimidations, de coercitions, voire de brutalités et de violences », écrit-elle dans sa préface.

L’appel de la Haute Autorité de santé à « permettre aux femmes d’être actrices de leur accouchement », est donc loin d’être anodin. « Chaque stade du travail est concerné, écrit l’institution dans son communiqué, par exemple : ne pas multiplier les touchers vaginaux, soutenir la femme dans son choix non médicamenteux de prise en charge de la douleur ou la laisser pousser de la manière qui lui semble la plus efficace, etc. »

La pratique médicale pourrait donc changer avec ces nouvelles recommendations. Reste à savoir si elles seront suivies partout en France. En mars 2017, l’association La prévention médicale estimait ainsi que, malgré les preuves scientifiques, « la mise en place de recommandations, qui remet en cause des années de pratique obstétricale, est difficile pour certains praticiens qui restent convaincus que l’épisiotomie systématique réduit le risque de déchirure périnéale sévère ».