La douleur, bientôt reconnue comme maladie par l’Oms

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Dans un Livre blanc, rendu public le 17 octobre, médecins, psychologues et infirmiers appellent à une reconnaissance de la douleur comme maladie à part entière.

Des patients en hôpital psychiatrique pas traités contre la douleur, des médicaments trop souvent mal supportés, voire contre-indiqués chez les personnes âgées, un éventail de traitements médicamenteux beaucoup trop restreint… l’état des lieux en matière de lutte contre la douleur de la Société française d’étude et de traitement de la douleur est sans appel. Dans leur Livre blanc, rendu public mardi 17 octobre, médecins, infirmiers et psychologues préconisent la reconnaissance de cette maladie encore trop peu prise au sérieux.

Si tous les ans, 300 000 patients sont traités dans des centres de la douleur – la France en compte 245 -, ils seraient 8 millions, selon l’enquête, à souffrir de douleurs chroniques.

« On se bat pour la reconnaissance d’une maladie qui touche tout le monde, explique Serge Perrot, responsable à l’hôpital Cochin du centre d’étude et de traitement de la douleur et contributeur au Livre blanc. 95 % de la population connaîtra une douleur dans sa vie et au moins 15 à 20 % de Français souffrent de douleurs chroniques qui ne sont pas soulagées. C’est un problème de santé loin d’être encore résolu. »

Peu de médicaments développés

Il n’existe que peu de médicaments pour traiter la douleur, dont certains, comme la morphine, sont connus depuis plusieurs milliers d’années. La recherche en la matière accuse un réel retard. Avec des conséquences parfois dramatiques, notamment chez les personnes âgées. 50 % d’entre elles souffrent en effet de douleurs, une proportion qui monte à 80 % chez les patients en fin de vie. Chez cette partie de la population très sujette à la douleur, les médicaments sont pourtant mal supportés, voire contre-indiqués.

Face au manque de traitements disponibles, les médecins ont été amenés à prescrire des médicaments non prévus à cet effet (des patch anti-douleur par exemple, conçus pour le péri-opératoire et prescrits pour soulager des douleurs chroniques). Les patients se retrouvent alors confrontés au refus du remboursement de leur caisse primaire d’assurance maladie. « 80 % de mes prescriptions échappent au remboursement, confirme Serge Perrot. A l’hopital, tout est pris en charge, mais en ville, le patient doit payer de sa poche, ce qui est bien plus embêtant. » Les alternatives comme l’hypnose, ou l’acupuncture sont, elles aussi, souvent à la charge du patient.

Un manque criant de moyens

Pour le médecin, le traitement de la douleur pâtit depuis années d’un manque de reconnaissance de la part des professionnels de santé. « Nous militons pour que la douleur devienne une spécialité à part entière en médecine. Mais nous essuyons des refus de la part des collègues, pour qui la douleur est transversale », résume Serge Perrot. Pourtant, améliorer la qualité de vie d’un patient permettrait de réduire la mortalité, quelle que soit la maladie. « Dans le cadre d’un cancer, on sait que la douleur augmente la morbidité : ne pas pouvoir dormir, être stressé…La douleur est un facteur de risque », poursuit-il.

Un manque de reconnaissance qui se répercute chez les nouvelles générations de médecins : 80 % des internes qui suivent le parcours douleur-soins palliatifs, se tournent ensuite vers les soins palliatifs pour leur spécialisation. Au manque de reconnaissance s’ajoute le manque de moyens. Au niveau paramédical, les infirmiers sont moins formés qu’avant. De vingt heures d’enseignement aux soins palliatifs-douleur sur six ans d’études, certaines facultés sont passées à quatre heures.

La douleur serait pourtant en passe d’être reconnue comme une maladie par l’Organisation mondiale de la santé (Oms), qui doit l’inscrire en 2018 dans sa classification internationale des maladies. Une avancée pour Serge Perrot : « Une fois qu’on code un patient, on peut mieux le tracer, l’orienter et le prendre en charge ».

Pour aller plus loin : les centres anti-douleur disponibles en France