Alcoolisme : à quand une véritable politique de prévention ?

Viva Magazine
© Viva Magazine

Le lobby des alcooliers est très puissant en France. Conséquence ? Les gouvernements successifs n’ont jamais osé lancer de véritable politique de santé publique pour lutter contre l’alcoolisme. Interview du Dr Basset, vice-président de l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpa).

Pourquoi est-ce si difficile d’avoir une véritable prévention de lutte contre l’alcoolisme, en France ?

Docteur Bernard Basset, vice-président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa)

En France, l’alcool est érigé en véritable patrimoine culturel et les lobbies des alcooliers sont très présents et puissants à l’Assemblée. Les gouvernements successifs n’ont jamais oser les affronter. C’est encore le cas avec le gouvernement Macron. Le plan de lutte et de prévention des addictions a été repoussé à maintes reprises et on avance très lentement. La loi Evin est de plus en plus atténuée. Les chiffres de l’alcool sont stables pourtant la France est un des pays européen en tête, du point de vue de sa consommation par habitant (avant l’Italie).

Quelles pistes de prévention préconisez-vous ?

Dr Basset : il faudrait des mesures concrètes pour influencer les comportements. Comme par exemple, taxer plus lourdement les vins sucrés, qui ont la côte auprès des jeunes. Ces produits à base de mélange d’alcool et de soda banalisent la consommation et facilitent l’entrée dans une consommation à risque. Taxer davantage l’alcool pour financer la prévention et réduire la consommation serait une bonne piste.

Pour les enfants, interdire purement et simplement les produits « au goût d’alcool », comme certaines sucreries ou yaourts qui ont vu le jour ces derniers temps. On a bien interdit les cigarettes en chocolat ! Il faut également se méfier de l’éducation au goût auprès des enfants et des adolescents que proposent les alcooliers pour, d’après eux  « qu’ils n’aient plus envie de consommer de l’alcool plus tard »… L’expérience a été lancée au Quebec sans grands résultats. L’éducation au goût, surtout faite par les alcooliers, ne repose sur aucune donnée scientifique. Au contraire, on banalise la consommation d’alcool.

Le « mois sans tabac », remporte un certain succès, à quand un mois sans alcool ?

Nous en avons beaucop discuté au sein de l’association. Mais on ne peut pas comparer l’addiction au tabac et l’alcoolisme. Les mécanismes sont différents. Le message d’abstinence complet vis-à-vis de l’alcool peut être contre-productif. Il faudrait pouvoir s’interroger sur sa propre consomation d’alcool, sans donner d’injonction. Il faut une démarche éducative et préventifve auprès de publics ciblés. Le plaisir de boire, la convivialité autour d’un verre existent et on ne peut la supprimer. L’idée serait de créer une journée d’information sur les dangers de l’alcool, ce qui serait, à mon avis, plus efficace.

L’alcoolisme est-il une maladie ?

A partir du moment où il y a une dépendance, c’est une maladie et les dommages sur la santé sont lourds : atteintes hépatiques, cyrrhose du foie, cancers Orl, de l’oesophage, de l’intestin, maladies cardiovasculaires, accident vasculaires cérébral (Avc), hypertension… Pour les femmes, de nombreuses études récentes ont démontré une incidence de l’alcool sur le risque de cancers du sein.

Mais c’est une maladie que l’on peut soigner. Le chemin pour le patient, sera long et difficile avec des rechutes et des moments de découragement, mais on s’en sort. A l’Anpaa, nous proposons une méthode globale adaptée à chaque patient. L’abstinence, par exemple ne sera pas préconisée pour tous les patients car cela peut sembler un objectif impossible à atteindre. Nous avons tout un arsenal thérapeutique : des médicaments dans certains cas (baclofène mais aussi des sédatifs), une aide psychologique individuelle ou collective, l’implication de l’entourage, la participation à des groupes de parole…