Pour en finir avec la stigmatisation de la schizophrénie

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Pour combattre les clichés et répondre aux questions que se posent les personnes atteintes de schizophrénie et leurs proches, le collectif Schizophrénies a lancé un portail d’information indépendant dédié à la maladie, une première en France.

Face à la schizophrénie, maladie mentale qui touche environ 600 000 individus en France et impacte jusqu’à 3 millions de personnes, entourage compris, les malades et parents de malades s’avouent démunis. Le manque d’informations est criant et celles qui sont véhiculées tiennent plus du cliché que de la réalité.

Pour combattre cet état de fait, plusieurs associations de personnes touchées par cette pathologie, réunies en collectif fin août 2015, ont décidé de lancer leur propre portail d’information dédié à la maladie, ce lundi 4 décembre.

Des témoignages de patients rétablis

Offrir aux malades et à leurs proches des réponses concrètes aux questions qu’ils se posent, des motifs d’espoir à travers les témoignages de personnes qui se sont rétablies et changer le regard d’une société encore trop stigmatisante, telle est l’ambition de ce collectif. 157 articles, 29 vidéos, 14 témoignages de concernés et de professionnels sont déjà en ligne et le travail est loin de s’arrêter pour l’équipe qui compte alimenter progressivement le site et lancer, dès janvier 2018, des campagnes d’information sur les réseaux sociaux.

En plus de recueillir des témoignages – jusque là assez rares – de malades sur leurs vécus, le collectif s’est employé à recenser les ressources qui existent déjà sur la toile, comme le blog Ta gueule Boris, tenu par une jeune mère schizophrène, mais aussi des articles de revues scientifiques.  

« Notre ambition a été de créer le premier site indépendant sur le sujet, explique Fabienne Blain, porte-parole du collectif Schizophrénies. Sur internet, il n’y a principalement que des informations qui émanent de sources institutionnelles, ou de laboratoires pharmaceutiques. On ne trouve en général que la parole de chercheurs et de médecins sur la maladie. Nous avons voulu apporter le regard des malades, des proches, des professionnels de santé. Mêler les trois points de vue, et affirmer que nous aussi, nous avons une expertise à apporter. »

La France en retard sur la maladie mentale

« Nous avons voulu une interface accueillante et opérationnelle, car cette maladie engendre beaucoup de de stress, beaucoup de souffrances, raconte Fabienne Blain. Quand la maladie s’invite dans notre foyer, on peut se retrouver à naviguer pendant des heures sur des sites internet canadiens sans trop obtenir d’informations. »

Car la France accuse encore en la matière un certain retard. La santé mentale ne représente qu’une faible part des investissements de recherche de santé, entre 2 et 4 % dans l’Hexagone contre 7 % au Royaume-Uni. La méconnaissance de la maladie entraîne d’une part le manque de compréhension dans la famille, qui tarde à consulter, et d’autre part les mauvais diagnostics. « Les médecins ne sont pas formés à la détection précoce de la schizophrénie, souligne la porte-parole du collectif. On peut éviter que la maladie s’installe chez un jeune, une prise en charge précoce aura des conséquences positives sur le handicap et peut permettre une rémission durable. » Or, en France, il faut compter en moyenne cinq à sept ans pour poser le diagnostic.

La France ne serait pas seulement en retard en ce qui concerne cette maladie, elle serait l’un des pays les plus stigmatisants vis-à-vis des schizophrènes selon une étude internationale publiée en anglais dans The Lancet en 2009 et reprise par Le Figaro. On estime ainsi que 40 % des schizophrènes en France font une tentative de suicide au cours de leur vie.

Pour une approche globale de la schizophrénie

« Les maladies mentales n’ont pas de protocole, regrette Fabienne Blain. Lorsqu’on est atteint d’un cancer, on bénéficie du même traitement peu importe où l’on se trouve sur le territoire. Mais en ce qui concerne les maladies mentales, c’est la roulette russe. Nous pourrons avoir ou non un diagnostic, bénéficier ou non d’un traitement…»

Si le ministère de la Santé a accordé une subvention au projet il y a un an, rien ne laisse encore présager que les choses pourraient bouger. « Tout n’est pas qu’une question politique. Il y a avant tout beaucoup d’inertie chez les professionnels de santé, estime Fabienne Blain. Aujourd’hui, la schizophrénie n’est traitée que sur le plan psychiatrique. On essaye de promouvoir au contraire une démarche plus globale pour les maladies mentales, promouvoir une prise en charge qui soit médicale mais aussi sociale. » Pour une meilleure insertion des schizophrènes et, à terme, une meilleure rémission.