« Plus on est précaire, plus on subit de contrôles »

Vincent Dubois ©Sciences Po Strasbourg
Vincent Dubois ©Sciences Po Strasbourg
Dans son ouvrage Contrôler les assistés, genèse et usages d’un mot d’ordre*, le sociologue Vincent Dubois analyse la montée croissante des contrôles souvent intrusifs à l’encontre des bénéficiaires d’aides sociales, suspectés d’être des fraudeurs en puissance. Pourquoi, depuis vingt- cinq ans, les bénéficiaires des aides sociales sont-ils de plus en plus contrôlés ? Vincent Dubois : D’abord en raison des transformations structurelles des prestations sociales, de plus en plus conditionnelles, liées à des situations et parfois à des contreparties qu’il s’agit de vérifier. Second élément d’explication : la montée en puissance de logiques gestionnaires en matière de Sécurité sociale, qui tend à plus de rigueur financière.Les contrôles permettent de les mettre en scène… En outre, il y a des origines hétérogènes propres à des espaces sociaux variés.Par exemple, la surenchère politique contre l’assistanat, la certification des comptes de la Sécurité sociale par la Cour des comptes, la « scandalisation » médiatique de la fraude ou les innovations technologiques ont conduit à l’essor inédit des politiques de contrôle. Mais pas envers n’importe qui. La question se noue en particulier autourdes personnes les plus précaires, celles qui percevaient hier le RMI, aujourd’hui le RSA, la CMU ou l’aide médicale d’État. Plus on est précaire, plus on subit de contrôles, et plus ceux-ci sont intrusifs, avec des enquêtes à domicile. Les bénéficiaires du RSA, déjà les plus contrôlés par les CAF, le sont une seconde fois dans un nombre croissant de départements : certains, comme les Alpes-Maritimes,ont créé des « brigades antifraudes » dédiées au RSA… Un allocataire peut-il refuser qu’un contrôleur de la CAF pénètre dans son domicile ? V. D. : Non, il doit se soumettre, sous peine d’une suspension de ses allocations. « La fraude à l’aide sociale est une fraude de survie. » Vincent Dubois, sociologue. Y a-t-il une augmentation des fraudes ? V. D. : Il est à peu près impossible de répondre. Le rapport parlementaire Grandjean-Goulet a ni par conclure qu’on ne pouvait pas chi rer la fraude. Seule la Caisse nationale d’allocations familiales possède un système qui permet une certaine évaluation, mais c’est encore plus compliqué de mesurer une évolution. La fraude constatée a augmenté parce que les contrôles ont augmenté et qu’ils sont plus e caces. Le périmètre de la fraude aussi a changé : ce qui n’était pas considéré comme frauduleux il y a quinze ans l’est devenu aujourd’hui. Les chiffres ont certes fortement augmenté ces dernières années, mais cela ne signi e pas que la fraude soit devenue plus importante. L’accroissement du nombre de contrôles est-il dicté par des raisons budgétaires ? V. D. : C’est un argument souvent mobilisé, mais qui ne reflète pas la logique dominante de ces contrôles. Ceux-ci peuvent permettre de récupérer des sommes indûment versées, mais il n’y a pas d’évaluation précise de ce qu’ils rapportent. Les abus et fraudes aux prestations sociales sont très nettement inférieurs à la fraude fiscale ou à celleaux cotisations sociales des employeurs. Mais il y a une tendance à renforcer les contrôles

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