La contraception, toujours une affaire de femmes 

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Alors que les femmes disposent d’une dizaine de méthodes de contraception différentes, les solutions proposées aux hommes restent encore peu nombreuses et mal connues.

Pilule, stérilet, implant, diaphragme, anneau vaginal… Les méthodes de contraception sont nombreuses et se sont bien diversifiées depuis la Loi Neuwirth de 1967. Mais elles se sont également  féminisées, selon Cécile Ventola, docteure en santé publique à l’Inserm, qui a soutenu, en mai 2017, une thèse relative aux contraceptions masculines. « Jusqu’aux années 1970, explique-t-elle dans une interview, les couples utilisaient majoritairement des méthodes de limitation des naissances plutôt collaboratives, voire masculines (comme le retrait, le préservatif ou l’abstinence périodique), qui impliquaient les deux partenaires. »

Une pilule et des scandales

Les choses ont radicalement changé trente ans plus tard : avec la pilule et le stérilet, les femmes en sont arrivées à assumer la contraception à hauteur de 75 %, d’après les chiffres de l’Institut national d’études démographiques (Ined). Mais, depuis 2012, suite au premier dépôt de plainte d’une femme sous pilule, victime d’un Avc, et la publication d’études établissant un lien entre la contraception hormonale et des risques accrus de développer un cancer du sein, le marché de la pilule diminue. Si les risques ont été régulièrement relativisés, cela n’a pas suffi à enrayer la perte de confiance d’une partie des usagères.

Le refus de prendre des hormones et d’encourir un risque a ainsi mené certaines femmes à remettre en question le fait que la « charge contraceptive » ne repose que sur elles au sein du couple.

La recherche s’est pourtant intéressée à la question de la contraception masculine dès les années 1960. Une méthode contraceptive hormonale – les injections de testostérone – ont été mises au point et autorisées en 1963. Avec un taux d’efficacité égal à la pilule et des effets secondaires que l’endocrinologue Jean-Claude Soufir, interrogé par Universscience.tv, juge « mineurs » (acné, légère prise de poids, augmentation de la libido) comparés à ceux produits par la contraception hormonale féminine. Ce médecin est d’ailleurs, avec Roger Mieusset à Toulouse, le seul praticien à prescrire cette méthode contraceptive en France.

Des méthodes de contraception méconnues

Une autre méthode, la contraception masculine thermique (ou Slip chauffant), technique mise au point par le Dr Roger Mieusset il y a déjà trente ans, a également fait ses preuves. Porté quotidiennement au moins quinze heures, il permet d’augmenter la température des testicules de 2 degrés, ce qui finit par réduire la concentration spermique à moins d’1 million de spermatozoïdes par millilitre – le seuil de fertilité se situant, pour l’Oms à 15 millions/ml. Mais contrairement à la contraception féminine, effective dès la prise du premier comprimé ou la pose du stérilet, il faut compter 1 à 3 mois de traitement pour que la contraception masculine fonctionne : c’est le temps de la spermatogénèse, qui fonctionne par cycle de trois mois.

Mais entre la contraception hormonale par injections, le slip chauffant et la vasectomie – autorisée depuis 2001 et pratiquée sur 0.2 % des hommes en France contre 15 à 20 % au Royaume-Uni -, force est de constater que les méthodes contraceptives masculines sont aussi peu nombreuses que méconnues. La contraception est perçue en France comme une affaire strictement féminine. Pour preuve, sur les douze méthodes contraceptives présentées sur le site gouvernemental Choisirsacontraception, trois seulement sont masculines (le retrait, le préservatif et la vasectomie). Aucune mention n’est faite de la contraception hormonale masculine ou thermique. Et si le site assure que « L’amour et la contraception, ça se pense à deux », il invite simplement les hommes à accompagner leur partenaire à une visite chez la gynécologue et les cantonne à un rôle précis : celui de leur « rappeler » de prendre la pilule…

Pourquoi la contraception masculine est-elle hors jeu ? Pour le Dr Soufir, c’est d’abord parce que la contraception féminine répondait à l’urgence des grossesses non-désirées. La pilule a été conçue comme un produit libérateur. Mais c’est aussi à cause de l’organisation médicale : le réseau de gynécologues n’a pas d’équivalent chez les hommes. Pour Jean-François Guérin, professeur en médecine de la reproduction, interrogé sur France Culture, les méthodes actuelles sont loin d’être encore satisfaisantes : elles nécessitent des injections chaque semaine pour la méthode hormonale, des spermogrammes chaque mois pour le slip chauffant… Quant à la vasectomie, elle n’est réversible que dans 70 % des cas dans les trois ans et les chiffres baissent considérablement passé ce délai.

Un manque de formation du côté des médecins

La réticence des médecins à proposer une contraception masculine est encore forte et tiendrait en grande partie à leur manque de formation en la matière. « En France, il n’y a pas vraiment de contrôle sur le contenu des pratiques et sur la formation des prescripteurs de contraception, explique Cécile Ventola. Notre enquête montre des niveaux de formation très variables d’un praticien à l’autre, et les médecins les moins formés sont aussi ceux qui proposent le moins de méthodes […] Ils ne sont pas nécessairement formés sur toutes les méthodes existantes, et certains médecins rencontrés dans le cadre de l’enquête ignoraient par exemple que la vasectomie est légale. On constate néanmoins que les praticiens les plus jeunes et les mieux formés favorisent le choix éclairé des usagers et proposent des panels de contraception plus larges, qui incluent plus souvent le préservatif, et de temps en temps la vasectomie. La prochaine génération de médecins sera peut-être plus inclusive vis-à-vis des méthodes masculines. »

Mais on n’y est pas encore. En 2016, des essais cliniques internationaux menés sur 220 volontaires sous forme d’injections hormonales ont été arrêtés prématurément pour cause d’effets secondaires : acné, augmentation de la libido, troubles de l’humeur. Une autre technique, le Vasalgel, qui consiste en une injection unique qui bloque les spermatozoïdes dans le canal déférent, a été testée avec succès sur des lapins puis sur des singes. Prometteur (efficace rapidement, réversible et sans hormone), il deva
it être testé sur les hommes dès 2016, mais l’échéance a été repoussée sans date précise, retardant encore une hypothétique commercialisation future.