Donner autant de place à l'enfance qu'au handicap

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Rencontre avec l’Umeh, un réseau dédié aux mères aidantes, trop souvent seules face au handicap de leur enfant, et avec Laura-Julia Fiquet, sa fondatrice.

Je connais très bien Laura- Julia, confie Jennifer Marchand. Lola et Johan, nos enfants, sont tous les deux handicapés. On s’est rencontrées peu après la naissance de ma fille. Laura-Julia s’était dit qu’il fallait créer un espaceoù les mamans pourraient s’exprimer» L’association lutte pour l’inclusion scolaire des enfants handicapés, entre autres, et sensibilise la société au statut d’aidant(e). « Le peu d’intérêt pour les aidants pousse à se renfermer, déplore la jeune femme. Si je n’avais pas l’Umeh, je serais perdue depuis longtemps. » Lola, la fille de Jennifer Marchand, est atteinte d’infirmité motrice cérébrale (Imc) depuis sa naissance. Quand elle a appris le handicap de sa fille, Jennifer a rejoint un groupe de parole où elle a fait cette rencontre décisive. Très vite, toutes les deux s’engagent à libérer la parole des parents de ces enfants pas comme les autres.

En juillet 2014, Laura-Julia Fiquet créée l’Umeh « un réseau social d’accompagnement des femmes qui ont un enfant handicapé », comme elle le définit. « Ça permet de se sortir la tête du guidon et de s’entraider dans nos quotidiens et dans nos problèmes administratifs. »

Créer un statut pour les mères aidantes

L’association rassemble aujourd’hui 11 000 membres et le groupe Facebook de ces milliers de mamans ne cesse de grossir. La fondatrice y a recensé un million de témoignages reçus, en quatre ans, « de femmes du monde entier ». En dehors de la toile, les membres de l’Umeh se réunissent au niveau local, organisent des cafés-rencontres, des séances de cinéma adaptées, des sorties dans les parcs, des événements sportifs. C’est surtout en alertant les médias que Laura-Julia et Jennifer parviennent à faire entendre leur voix et à rendre compte des situations ubuesques auxquelles beaucoup font face. D’abord à l’école. Pour bénéficier d’un(e) assistant(e) de vie scolaire (Avs), les parents doivent envoyer, un an avant la rentrée, une demande à la maison départementale des personnes handicapées (Mdph). Pas si simple… « L’école, c’est le parcours du combattant, on ne m’avait jamais dit que je serais confrontée à tant de difficultés », déplore Laura-Julia. Avs absent(e)  ou manquant(e) sans que l’établissement soit en mesure d’annoncer une date de prise de poste, enfants acceptés en classe seulement une heure par jour, maltraitance… En 2016, Laura-Julia apprend au détour d’une conversation que la sortie de fin d’année de la classe de son fils se déroulera le surlendemain au zoo. Johan n’est pas convié, parce qu’il n’y pas d’Avs disponible ce jour-là. Elle s’y rend elle-même avec son enfant… et voit son Avs, au milieu des autres enfants ! Laura-Julia porte plainte contre le ministère de l’Education nationale pour discrimination. « Le soir même, j’ai posté une vidéo sur Facebook, indique la jeune femme. Des journalistes m’ont contactée et je suis parvenue à interpeller Najat Vallaud-Belkacem en direct sur Rtl la veille de la rentrée. » Pour la première fois en trois ans, l’inspection académique la contacte : Johan aura son Avs. « C’est à partir de là que l’Umeh s’est développée d’un coup », estime Laura-Julia. L’association milite également pour que les mères aidantes aient un vrai statut juridique et lutte contre leur solitude. « La moitié des mamans sont des femmes isolées, dans une vraie précarité sociale, déplore la fondatrice de l’association. On touche le Rsa et l’allocation pour notre enfant. On est en sursis social. Sans compter que, tous les mois, on nous menace de nous couper le Rsa si on ne cherche pas un emploi. » Une recherche qui s’avère souvent impossible, comme l’explique Jennifer : « Ma fille est handicapée à 80 %, ma vie s’organise en fonction de la sienne. Quand elle n’est pas à la maison, je fais tout ce que je ne peux pas faire le reste du temps. Il y a plein de raisons qui font qu’aujourd’hui je ne peux pas travailler, sans parler de la fatigue morale et physique. L’envie est là, mais je ne peux pas. » De son côté, Laura-Julia a développé un réseau des Aidants familiaux entrepreneurs (Afe) pour tenter de faire bouger les lignes. Depuis le 16 janvier, l’Umeh a rejoint la maison des associations de la ville de Caen, non loin d’où habite la fondatrice. L’association sera prochainement adhérente de l’Ong Make Mothers Matter (Mmm), le « Mouvement mondial des mères », qui recherchait une association approchant la diversité de la maternité par le biais des enfants handicapés.

Manon Gauthier-Faure

* www.facebook.com/associationumeh