
Les Mutuelles de France organisaient, le 27 novembre, une matinée sur le thème des soignants et des violences faites aux femmes. Les professionnels de santé sont en première ligne pour les repérer et aider à la prise en charge des victimes.
«Chaque année, en France, 255 000 femmes majeures sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur ancien ou actuel partenaire. Ces violences sont trop souvent invisibles, dissimulées au milieu de ce qui relève de l’intime et de la sphère privée. Elles se révèlent trop tard, lorsqu’elles prennent une tournure dramatique », dénonce Pascal Vatel, secrétaire générale des Mutuelles de France.
Les chiffres sont là, consternants. En 2016, 123 femmes ont été assassinées par leur partenaire. Dans le même temps, 94 000 femmes ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles ou de viols. 9 sur 10 connaissaient leur agresseur.
Les professionnels de santé en première ligne
Or, dans un cas sur quatre, les femmes victimes de violence s’adressent en première instance à un médecin quand seulement une sur dix se rend au commissariat de police pour porter plainte. Le système de santé est donc le premier lieu de recours pour les victimes de violences.
La Fédération des mutuelles de France a donc décidé d’agir en organisant une matinée de sensibilisation à l’attention des professionnels de santé et des élus : « Le réseau mutualiste des Mutuelles de France, avec ses 116 centres polyvalents, dentaires, médicaux et infirmiers, peuvent être, pour ces femmes, l’un de ces espaces de recours, le maillon d’une chaîne importante de solidarité humaniste. »
Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, s’est appuyée sur les travaux de l’anthropologue Françoise Héritier pour rappeler que, « depuis toujours, le contrôle par les hommes vise à maîtriser la descendance. Comment ? En s’appropriant le corps des femmes par le viol, l’injonction de la virginité avant le mariage, l’utilisation de la ceinture de chasteté ou la réclusion. Les femmes sont aussi privées de savoirs afin que les hommes puissent rester les dominants. Idem en ce qui concerne la domination économique. Il faut le dire et le redire : les femmes perçoivent toujours 27 % de salaire en moins que les hommes ».
Un coût humain et financier dramatique
Cette violence intervient dans tous les milieux, sur tous les territoires et au sein de toutes les générations. On connaît aussi aujourd’hui toutes les conséquences sur la santé physique et psychologique. L’Oms estime qu’une victime perd entre 1 et 4 ans d’espérance de vie.
Au-delà des drames humains, on estime à 3,6 milliards d’euros le coût pour l’Etat de la prise en charge des victimes et des conséquences en matière de santé publique.
« Le grand mérite de #Meetoo, estime Ernestine Ronai, c’est d’avoir fait qu’aujourd’hui les femmes savent qu’elles ne sont plus seules. En un an, les plaintes ont augmenté de 23 %. »
Mais si les premières personnes auxquelles les femmes s’adressent sont les professionnels de santé en ville ou à l’hôpital, ces derniers sont encore insuffisament, voire pas du tout formés au repérage de ces violences.
Le Dr Gilles Lazimi, médecin généraliste et membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes en témoigne : « Pendant longtemps, bien sûr, ne sachant pas les repérer, j’estimais ne pas avoir de femmes victimes de violence dans mon cabinet. Les rares que je voyais me fatiguaient car elles ne faisaient pas ce que je voulais. Pourquoi ne partaient-elles pas ? Pourquoi ne portaient-elles pas plainte ? Disaient-elles vraiment la vérité ? Puis, petit à petit, je me suis intéressée à ces patientes qui souvent développaient des pathologies lourdes. J’ai commencé à voir ce qu’il y avait derrière et le phénomène d’emprise qui expliquait ces comportements que je ne comprenais pas. »
Travailler en équipe
Douleurs pelviennes, agressivité, épuisement, fibromyalgie, anxiété, boulimie, anorexie, colopathie, constipation mais aussi dorsolombalgies… Autant de signes qui doivent alerter les professionnels de santé. « Il est important de ne pas travailler seul », insiste Gilles Lazimi, qui encourage tous les professionnels de santé à se former et à s’informer sur le site de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences faites aux femmes : www.stop-violences-femmes.gouv.fr