L'amiante continue à tuer

Viva Magazine
© Viva Magazine

Dix-neuf ans après son interdiction en France, l’amiante est encore à l’origine de plusieurs milliers de cancers chaque année. Ces maladies de sombre pronostic sont une épreuve pour les victimes et leurs familles et un défi pour les médecins et les chercheurs. Le 15 mars 2016, l’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante) et Mesoclin (réseau expert tumeurs rares pour le mésothéliome pleural malin) organisaient un colloque pour faire le point.

L’utilisation de l’amiante a connu son apogée dans les années 1970 avec des importations de l’ordre de 180 000 tonnes. Elle était très largement employée dans les matériaux de construction, le ciment, les produits isolants, les revêtements de sols.

Si l’amiante est interdit en France depuis 1997, le risque d’exposition continue. Il est encore responsable d’un grand nombre de cancers bronchiques et de mésothéliomes, d’autant que la période de latence est de vingt-cinq à trente ans pour le mésothéliome et de trente-cinq ans pour les cancers bronchiques.

Pour le Pr Christophe Paris de l’Inserm : « Le pic d’incidence (la période ou le nombre de victimes sera maximal) devrait être atteint en 2020, il devrait ensuite connaître un plateau puis redescendre doucement. »

Les anciens ouvriers de régions comme le Nord et la Lorraine, ex-bastions sidérurgiques, sont plus exposés que d’autres ainsi que ceux de la construction navale, des métiers de la chaudronnerie et de la plomberie. Mais de nombreuses femmes ont été également contaminées par l’amiante, tout bêtement en lavant le bleu de travail de leurs maris.

Selon le Pr Paris, les données sur les victimes de l’amiante pourraient être nettement sous évaluées. Ainsi, on estime à 40 % le nombre des mésothéliomes non déclarés comme maladies professionnelles. De plus, 26 % des victimes qui auraient droit à une indemnisation ne la demandent pas, en particulier les femmes.

Un pronostic très sombre

Comme tous les cancers du poumon, les cancers bronchiques et les mésothéliomes sont des cancers très agressifs, rarement opérables, rebelles à la chimiothérapie, avec une médiane de survie de douze mois.

Le Pr Arnaud Scherpereel, responsable de la pneumologie et de l’oncologie thoracique au Chru de Lille veut pourtant apporter une note d’optimisme : « Les choses bougent : il ne s’agit pas d’un optimisme béat mais la prise en charge est aujourd’hui bien codifiée et nous avons à notre disposition de nouveaux traitements et stratégies thérapeutiques. »

Ainsi, un nouveau médicament, le Nivolumab, a doublé le taux de réponse de la chimiothérapie de 9 à 18 % et ceux pour lesquels le traitement prend peuvent gagner une espérance de vie de plusieurs mois.

Les regards se portent aussi vers les thérapies ciblées, une médecine plus personnalisée, et l’immunothérapie, stratégie qui vise non seulement à attaquer la tumeur mais surtout à stimuler le système immunitaire du malade afin de lui permettre de restaurer ses défenses affaiblies par la tumeur et ainsi de mieux lutter.

Enfin, autre piste intéressante, la thérapie cellulaire.  Par une prise de sang, les médecins recueillent les lymphocytes et les antigènes. Ceux-ci sont développés et éduqués en dehors du corps, puis réinjectés. Plus fort, plus résistants, ils permettent à l’organisme de mieux se défendre. Un essai aux Pays-Bas a prouvé son efficacité, avec des résultats impressionnants. Un essai devrait très prochainement démarrer à Lille.

Quant à la chirugie, qui obtenait jusqu’alors des résultats limités, elle se perfectionne avec des thérapies photo-dynamiques qui détruisent des cellules cancéreuses microscopiques et permettent de doubler l’espérance de vie.