Agnès Buzyn : « Pas question de supprimer le reste à charge pour toutes les lunettes, audioprothèses et prothèses dentaires »

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A propos du reste à charge zéro en optique-audio-dentaire, la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, dit vouloir aboutir à « un panier de soins “standard” sans reste à charge » ce qui ne veut pas dire que l’on va « supprimer le reste à charge pour toutes les lunettes, audioprothèses et prothèses dentaires ». Si elle a renoncé à la généralisation du tiers payant au 1er décembre, elle demande aux complémentaires santé de participer au développement d’un « outil technique » rendant possible sont « déploiement ».

Le président de la République s’est fixé comme objectif une prise en charge à 100 % à l’horizon 2022 pour les soins audio, les lunettes et les prothèses dentaires. Comment allez-vous procéder pour y parvenir ?

Le gouvernement s’est donné une méthode pour agir que je respecterai pour atteindre cet objectif. Je veux réunir autour de la table tous les acteurs concernés au sein de ces branches d’activité au travers d’une large concertation, qui aura pour objectif d’aboutir à la création d’un panier de soins « standard » pour lequel le patient n’aura aucun reste à charge. Il n’est donc pas question de supprimer le reste à charge pour toutes les lunettes, audioprothèses et prothèses dentaires. Mais nous tiendrons notre engagement de proposer aux patients une offre sans reste à charge pour ces produits de santé essentiels du quotidien.

Car si le niveau de reste à charge moyen est faible (8,4 % en 2015) il cache des disparités et des problèmes d’accès aux soins majeurs sur certains postes.

Le président de la République s’est dit favorable, pendant la campagne électorale, à « une révolution de la prévention, en collaboration avec le secteur mutualiste qui sera valorisé pour cette mission ». Comment voyez-vous les choses à ce sujet ?

La prévention est l’axe majeur de ma Stratégie nationale de santé. En France, notre système de soins, que l’on appelle « curatif », est très performant et fait notre fierté. Mais nous devons encore améliorer la prévention, et redoubler d’efforts pour que les gens soient moins malades, et moins souvent. C’est un enjeu de société qui implique notamment la réduction des comportements à risques. A ce titre, le secteur mutualiste a son rôle à jouer et je compte sur les complémentaires de santé, qui sont associées aux travaux de la Stratégie nationale de santé 2017-2022, pour contribuer à atteindre cet objectif.

Pourquoi avez-vous renoncé à la généralisation du tiers payant ?

L’entrée en vigueur du tiers payant au 1er décembre prochain, comme le prévoyait l’article 83 de la loi de modernisation de notre système de santé, a été estimée « irréaliste » et prématurée par le rapport de la mission Igas que j’avais lancée sur le sujet en juillet. J’ai donc pris la décision de lever dans le Plfss l’entrée en vigueur de cette obligation, qui risquait de trop pénaliser certains médecins et de desservir notre objectif inchangé d’arriver dans les meilleurs délais à un tiers payant généralisable, accessible à tous ceux qui en ont besoin. 

J’ai demandé à l’assurance-maladie et aux complémentaires santé de développer, avec les professionnels de santé, les outils techniques adaptés permettant à tous les professionnels de santé d’appliquer le tiers payant de manière simple et fluide, incluant sur la part complémentaire. Un suivi annuel de la mise en place de ces outils puis de leur déploiement sera réalisé.

Votre plan de lutte contre les déserts médicaux n’opte pas pour des mesures de contrainte à l’installation des médecins. Pensez-vous qu’il va suffire à enrayer le processus de désertification ?

J’ai annoncé le 13 octobre dernier, aux côtés du Premier ministre, un plan de renforcement de l’accès territorial aux soins. Ce que nous proposons est un panel de solutions qui ont en commun de se fonder sur un changement de paradigme que nous revendiquons : nous voulons désormais raisonner en termes d’accès au temps médical des professionnels de santé, plutôt qu’autour de l’installation de médecins. 

Dans les mesures phares, la télémédecine entrera dans le droit commun grâce au Plfss 2018. Nous doublerons également le nombre de maisons de santé d’ici à la fin du quinquennat, avec 400 millions d’euros qui y seront consacrés dans le cadre du Grand Plan d’investissement. Nous pérenniserons le dispositif Asalee qui permet aux infirmières et aux infirmiers de prendre en charge des maladies chroniques, en lien avec le médecin traitant. Nous développerons les pratiques avancées, qui permettent à des professionnels d’exercer au-delà de leur spécialité initiale en leur donnant accès à des formations. Nous renforcerons la coopération entre les professionnels de santé de l’hôpital et de la ville, en créant 300 postes d’assistants partagés dès 2018. Nous aiderons les jeunes médecins à s’installer et les plus âgés à cumuler leur emploi et leur retraite. 

Par ce plan, nous voulons enfin encourager tous les acteurs locaux, qu’ils soient élus, usagers ou professionnels de santé, à continuer à proposer des solutions innovantes qui seront diffusées sur l’ensemble du territoire si elles s’avèrent efficaces.