Troubles bipolaires : apprivoiser la maladie

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Les troubles bipolaires touchent plus d’un million de personnes en France. C’est une maladie grave qu’il est important de prendre en charge le plus tôt possible. Interview du Dr Pierre-Alexis Geoffroy, psychiatre à l’hôpital Lariboisière à Paris.

Pourriez-vous nous décrire la maladie ?

Dr Pierre-Alexis Geoffroy : C’est une pathologie grave qui figure dans la liste des 10 maladies les plus graves. 25 % des malades font des tentatives de suicide (fatales dans 15 % des cas). La moyenne d’âge où la maladie se déclare est entre 15 et 25 ans.

Les causes sont multiples, un mélange de facteurs génétiques et environnementaux, tels que des traumatismes, des abus dans l’enfance, des carences émotionnelles, l’utilisation de substances comme le cannabis… Les symptômes sont des périodes prolongées d’augmentation de l’humeur et de l’énergie (appelées épisodes maniaques), suivies de périodes de diminution de l’humeur et de l’énergie (appelées épisodes dépressifs caractérisés).

Ces épisodes peuvent comporter des syndromes délirants qui ne sont pas rares. Tout ceci doit être observé sur plusieurs jours, et on garde le seuil d’au moins sept jours pour l’épisode maniaque et un mois pour l’épisode dépressif par exemple. On remarque aussi des troubles du sommeil avec soit de l’hypersomnie soit des insomnies, des troubles de l’alimentation (boulimie ou anorexie) et aussi, et c’est important d’en parler, des troubles du désir sexuel.

Les conséquences sont souvent graves sur la vie quotidienne et peuvent aller même jusqu’à l’éviction sociale et professionnelle. On note des troubles cognitifs, des difficultés de l’attention, de concentration, une hyper-réactivité émotionnelle… Cette maladie peut être très handicapante dans la vie courante. Les patients ont souvent l’impression d’être incompris, ils se sentent coupables, sont en colère…

Où en est-on aujourd’hui ?

On connaît mieux la maladie depuis une vingtaine d’années, et on repère mieux les symptômes. La prise en charge du malade par des outils thérapeutiques médicamenteux (principalement le lithium qui est un stabilisateur de l’humeur) et non médicamenteux s’est considérablement améliorée. L’implication du patient dans son programme thérapeutique est un élément déterminant. Il est important de le former à sa maladie et aux outils qui permettent de la stabiliser.

Aujourd’hui, les représentations changent, les patients osent en parler. De psychose maniaco-dépressive on est passé au terme de « troubles bipolaires », ce qui est moins lourd comme appellation, même si cela recouvre la même pathologie.

De nombreux « people » ont contribué à la faire connaître. On connaît Van Gogh, mais aujourd’hui, on peut citer Catherine Zeta-Jones, une véritable militante, et avant elle Kurt Cobain…

La maladie est stabilisée grâce au traitement, mais on n’en guérit pas. Elle devient alors une maladie chronique avec laquelle on peut vivre normalement, travailler, avoir une famille…

Malgré tout, aujourd’hui, le retard de diagnostic reste encore un problème. Il est trop long : dix ans, en moyenne.

En conclusion, je dirais aux malades : « Ne culpabilisez pas, faites-vous prendre en charge, améliorez la connaissance de votre maladie et apprenez à détecter les signes de rechute. »

A lire : Savoir pour guérir : les troubles bipolaires, du Dr Pierre-Alexis Geoffroy, éd. La Réponse du psy, 22 euros.